- Spoiler:
C'est mon oneshot expliquant comment Ariel et Alisey se sont rencontrés dans le canon!
Ariel a 15 ans et Alisey 14.
Ariel pouvait entendre le son de ses pas dans les flaques d'eau boueuse qui s'étaient formées sur le trottoir à la suite des abondantes précipitations de cet après-midi. Les bruits ambiants n'atteignaient pas ses oreilles. Seule la voix de sa mère, accusatrice, résonnait dans sa tête.
«Sois réaliste, tu ne vas jamais y arriver!»
«Ce n'est pas comme ça que le vie fonctionne, Ariel!»
«Je ne te comprends pas! J'ai essayé, crois moi!»
Ariel était habitué à la froideur de sa mère. Celia était une femme sévère qui souhaitait le meilleur à ses enfants, par contre sa définition du «meilleur» était souvent plus proche de ses propres intérêts que de ceux de sa progéniture. Ayant toujours été un enfant obéissant, Ariel avait accepté sans rechigner de se soumettre à tous les règlements familiaux et faisait son possible pour bien performer dans les cours auxquels sa mère l'inscrivait. Il était habitué à ses regards déçus lorsque ses professeurs lui faisaient part de son visible manque d'intérêt, qu'il était incapable de cacher. Il était habitué aux longues périodes durant lesquelles sa mère refusait de lui adresser la parole.
Par contre, jamais auparavant elle n'avait crié sur lui de cette façon. Ce n'était pas une chose à laquelle Ariel était habitué de la part de sa mère. Les rares discussions qu'ils avaient étaient toujours courtes et polies. Son changement de ton soudain l'avait déstabilisé.
Ariel avait tenté de s'expliquer avec sa mère, mais elle n'avait rien voulu entendre. Leur mésentente avait eu lieu peu de temps avant le souper, qui s'était par conséquent déroulé dans une ambiance tendue et insoutenable. Ses parents et sa sœur avaient joué leur jeu de la petite famille parfaite malgré la dispute qui venait tout juste d'avoir lieu et ça lui tapait royalement sur les nerfs. Ariel était écœuré du climat de mensonges et des manigances qui planait chez lui, surtout lorsqu'il était clair que ses parents (et même sa sœur, parfois!) faisaient comme si de rien n'était. Plus le temps passait, plus il lui semblait clair que ses parents se foutaient complètement de lui. C'était sois ça, sois ils le prenaient pour un véritable imbécile. Les deux options ne seraient pas une surprise pour lui.
Après avoir avalé à peine trois bouchées de son repas (Ariel était dans un tel état de détresse émotionnelle qu'il ne se souvenait même plus de ce qu'il avait mangé), il était monté directement à sa chambre dans le but de reprendre ses esprits, mais il était incapable de faire le vide dans sa tête.
* * *
Ariel avait conscience qu'il pleurait. Il sentait les larmes chaudes couler le long de ses joues et il se détestait pour ça. Il avait promis à sa mère qu'il arrêterait.
«Sois fort, ne pleure pas! Seulement les perdants pleurent Ariel!»
Il lui semblait qu'il marchait depuis un bon bout de temps, mais il ne réalisa pas à quel point jusqu'à ce que ses pieds rencontrent une clôture de métal. Relevant la tête, Ariel remarqua qu'il se trouvait devant l'entrée du quartier pauvre de Parc-Extension. Il était rare qu'il se promène à cet endroit; c'était sans doute un des quartiers les plus violents de Montréal. Par contre, il y était allé assez souvent pour pouvoir retrouver son chemin s'il y entrait. Si il rentrait chez lui avant la tombée de la nuit, il ne devrait pas y avoir de problèmes. Étant plutôt indifférent aux endroits dans lequel il pouvait bien se ramasser en ce moment, Ariel décida d'entrer.
Après avoir marché une trentaine de minutes sans vraiment regarder où il allait, Ariel commençait à s'épuiser. Il nota la présence d'un parc à proximité et décida de s'installer sur une de ses structures quelconques un moment. Une vieille estrade en bois couverte de graffitis lui sembla la meilleure option. Ariel s'y laissa tomber malgré la fine couche d'eau qui s'y trouvait à cause des précipitations abondantes de ce matin. Il n'avait même pas le cœur à s'inquiéter de la propreté de ses vêtements.
Ariel laissait le vent froid lui fouetter le visage en regardant fixement ses pieds. Il remarqua que ses souliers étaient complètement ruinés. Il s'en ficha. Les mêmes mots cognaient encore dans sa tête.
«Je ne te comprends pas!»
«Seulement les perdants pleurent, Ariel!»
-Pathétique.
Ariel sursauta violemment et tourna la tête en direction de la voix. Une jeune fille semblant âgée d'à peine douze ans était assise un peu plus loin sur la structure. Il se demanda comment il avait pu ne pas la remarquer plus tôt; l'estrade sur laquelle ils étaient assis était minuscule. La fille avait de très épais cheveux noirs en bataille qui semblaient coupés n'importe comment. L'humidité ambiante les avait gonflés de façon impressionnante, de telle sorte que la place qu'ils occupaient au-dessus de sa tête semblait plus grande que sa tête elle-même. Elle avait les bras croisés et regardait à sa droite, sans jeter un seul regard à Ariel. Elle dégageait une aura agressive qui aurait mis Ariel mal à l'aise s'il n'était pas trop occupé par ses pensées déprimantes.
-Je sais. Je suis pathétique.
La jeune fille, naturellement, ne s'attendait pas à cette réponse franche de la part d'Ariel. Elle se retourna lentement vers lui, le visage toujours caché par sa grosse masse de cheveux.
-Habituellement, lorsqu'on te dis quelque chose comme ça, tu es supposé envoyer promener la personne qui t'insulte.
Ariel savait qu'il ferait mieux de rentrer chez lui avant que la conversation ne s'envenime. Cette inconnue lui était clairement hostile. De plus, avec son allure, il était clair qu'elle n'était pas une fille de bonne famille. Il ne serait même pas étonné si une bande de voyous surgissaient d'un moment à l'autre pour lui sauter dessus et lui voler son argent. Aller à Parc-Extension le soir était la pire décision qu'il ait jamais prise.
Pourtant, il décida de rester. Au point où il en était, une gang de rue pouvait bien surgir de derrière un buisson et le rouer de coups qu'il s'en ficherait. De plus, Ariel tenait à continuer sa conversation avec l'inconnue impolie. Elle lui procurait une distraction à la voix de sa mère qui ne le lâchait pas depuis l'après-midi. La méchanceté de ladite inconnue l'importait peu.
-Je ne crois pas que répondre à quelqu'un qui veut nous provoquer sur le même ton soit un bon moyen d'améliorer la qualité d'une journée déjà insupportable. Je m'excuse si tu avais l'intention de commencer une altercation verbale.
L'inconnue soupira bruyamment. Ariel pouvait presque l'entendre rouler des yeux.
-Ah. Je vois.
-En effet. Tu as des yeux. Je me demande comment tu fais pour voir derrière ce qui te sert de cheveux, par contre.
Ariel nota que les lèvres de la jeune fille, qui étaient auparavant figées dans une expression de moue irritée, se retenaient de ne pas se relever pour former un sourire. Il se félicita intérieurement d'avoir réussi à la mettre de meilleure humeur. La conversation serait peut-être plus agréable que prévue.
-No shit, Sherlock. Oui, je peux voir. Ce n'est pas ce que je voulais dire. Je voulais dire que je vois quel type de gars tu es.
Voilà qui était intéressant. L'inconnue, auparavant réticente, semblait vouloir lui parler maintenant. La curiosité d'Ariel était piquée.
-Oh? Peux-tu élaborer s'il-te-plaît?
L'adolescente effaça toute trace de tentative de sourire de son expression et reprit son air blasé, détournant à nouveau la tête pour fixer le vide.
-T'es un enfant de riche du Plateau. Tu parles avec des mots compliqués pour avoir l'air intelligent et tu te crois cultivé à cause de ça. Tu as aussi des souliers à 400 piasses juste bons à jeter mais c'est pas grave, maman va t'en acheter des nouveaux. Je vois vraiment pas ce que tu fais à Parc.
Ariel remarqua pour la première fois que la fille avait un accent latin. Il ne pouvait dire de quelle origine elle était exactement, mais si il avait un pari à prendre il dirait qu'elle était sûrement Espagnole.
-C'est presque ça. Sauf que je ne suis pas dans une assez bonne relation avec ma mère pour lui demander quoi que ce soit. Je ne lui demande jamais rien de toute façon, elle ne fait que me donner de l'argent sans faire aucun commentaire. J'aimerais qu'elle me parle plus.
-Hm.
-Oh. Et les souliers, c'est 125 dollars qu'ils ont coûté, pas 400.
-Hmm.
Finalement, la fille ne semblait pas vraiment vouloir parler. Il y eut une longue pause gênante pendant laquelle Ariel tentait vainement de relancer la conversation sans trouver de sujet digne de parole alors que la jeune hispanique semblait se demander quel était le moment propice pour s'enfuir en courant. Finalement, Ariel rompit le silence de la seule façon qui lui venait en tête pour le moment.
-Désolé, je ne me suis pas présenté. Je m'appelle Ariel.
L'adolescente continuait à ignorer Ariel. Alors qu'il la fixait dans le but de la forcer à le regarder dans les yeux pour avoir un contact visuel et briser la tension, elle se frotta les yeux avec l'endos de son bras gauche. Ariel eut le temps d'apercevoir ses yeux lors de la fraction de seconde où son bras n'était pas en contact avec eux. Ils étaient teintés d'une légère rougeur.
Il aurait du comprendre plus tôt! Il était clair pourtant que la jeune fille n'allait pas bien depuis le début de leur conversation. Elle était sûrement assise sur cette estrade en train de pleurer depuis un bon bout de temps déjà avant qu'il n'arrive. D'ailleurs, il était fort probable qu'elle était méchante avec lui dans l'espoir qu'il lui fiche la paix et s'en aille. Génial, il se sentait encore plus mal maintenant.
-Oh je suis désolé, je n'avais pas remarqué que tu pleurais, toi aussi! Tu veux en parler?
La jeune fille arrêta sec son mouvement, son bras suspendu stupidement dans les airs.
-Non.
Bien sûr qu'elle ne veut pas parler de ses problèmes au premier inconnu qui passe! Ariel se trouvait idiot d'avoir simplement songé qu'elle pourrait possiblement décider de lui débiter sa vie sans raison. Il était vraiment trop désespéré d'avoir l'occasion de parler à quelqu'un.
-Ça va de soi. Pardon.
La jeune fille frappa violemment la structure de bois avec sa main, ce qui visiblement ne fit que lui faire mal. Ariel ne comprit pas trop la raison de son éclat de colère. Peut-être souhaitait-elle évacuer ses émotions, mais il jugea la technique peut efficace puisque son seul effet semblait être de lui procurer une douleur physique.
-Tu es un gars énervant, Ariel. Énervant et étrange. Même ton nom est étrange. C'est un nom de fille, tu sais.
Et voilà, maintenant elle se mettait à lui énumérer les trois choses que les gens qui l'harcelaient à l'école lui criaient tout le temps.
-Ariel était un nom unisexe à la base, tu sauras. Il a d'ailleurs été donné par Shakespeare à l'un de ses personnages masculins dans l'une de ses pièces. Renseigne-toi avant de juger, s'il-te-plaît. Merci de ne pas avoir fait référence à la sirène, par contre. Ça fait changement.
Étrangement, la fille semblait presque regretter de l'avoir insulté maintenant, mais elle n'avait pas l'air de vouloir s'excuser pour autant. Ariel avait bien l'impression qu'elle était le genre de personne qui ne connaissait pas la phrase «je m'excuse».
-Fout-moi la paix.
Et bien, voilà qui aurait du être clair. Pourtant, Ariel n'avait pas l'impression que la jeune fille voulait qu'il s'en aille, il le voyait maintenant; son être entier criait la solitude. Ils étaient dans la même situation, tous les deux. Peut-être qu'il devrait lui expliquer la situation? S'il lui disait qu'il se sentait tout aussi seul qu'elle, l'inconnue serait peut-être plus réticente à s'ouvrir à lui. Ariel réalisa qu'il accordait beaucoup trop d'importance à une fille à qui il avait à peine adressé la parole. Il mit ce sentiment sur la faute de son isolation sociale. Après tout, son seul ami, Niko, ne parlait pas vraiment et il était encore plus déprimé que lui. Bref, rien pour lui remonter le moral.
-Tu sais… c'est toi qui m'a adressé la parole en premier. Pourquoi m'avoir adressé la parole en premier si tu ne voulais pas avoir une conversation?
Alors qu'il croyait avoir réussi à obtenir son attention à nouveau, la jeune hispanique serra les poings et se leva brusquement.
-Hum. Je dois y aller.
-Non, attends! Je sais que tu te sens seule! Je me sens seul moi aussi! Peut-être… peut-être qu'on pourrait se sentir seuls ensemble! Ça serait…
Trop tard, l'inconnue était partie en flèche dans la direction opposée à celle d'où Ariel venait. Il termina la fin de sa phrase en vain.
-…déjà une amélioration.
Ariel se prit la tête entre les mains. Il ne comprenait pas pourquoi il avait toujours espoir qu'un jour quelqu'un s'intéresserait à lui pour autre chose que se moquer de lui. Il était trop évident que si sa propre famille n'était pas capable de l'aimer, personne ne le pourrait. Même Niko ne semblait pas vraiment le considérer comme un ami, parfois.
Ariel allait retourner chez lui déprimé lorsqu'il remarqua un bout de papier plié à l'endroit où la jeune hispanique était assise un peu plus tôt. Curieux, il s'en empara et observa ce qui y était inscrit.
«Je vais à cette place-là chialer sur ma vie comme une conne tous les soirs de semaine et parfois la fin de semaine. Des fois je suis avec des amis la fin de semaine par contre et ont fait des trucs au lieu de chialer. Alors viens juste la semaine si tu veux me parler.»
Le papier n'était pas signé. Vu le manque d'enthousiasme de l'inconnue lorsqu'il lui avait dit son nom, c'était à prévoir. Mais Ariel s'en fichait. Tout comme il se fichait toujours que ses souliers soient bons à jeter à la poubelle.
Lundi prochain, il reviendrait.
- Spoiler:
Omfg je suis très fière de ce oneshot :')