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 Bloody Hell

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2 participants
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Kyle

Kyle


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MessageSujet: Bloody Hell   Bloody Hell Icon_minitimeSam 9 Fév 2013 - 18:39

Elle reprit conscience dans une petite rue coincée entre un hôtel et un petit café. Il faisait nuit noire. Le coin n’était éclairé que par des lampadaires et les quelques phares des voitures passant à toute vitesse, sans qu’il n’y ait une âme en vue. Dans ce trou défraîchi de la ville de Miami, il n’y avait qu’elle pour ouvrir les yeux.
Sa vision, floue et lente, se précisa brutalement comme une lentille grossie par mille, un affichage étalé d’un seul coup en haute définition. Le bruit ambiant s’abattit au même moment sur elle en une insupportable cacophonie, le volume ordinaire monté de dix crans supplémentaires. Puis, les odeurs lui vinrent avec violence; celle de pourriture, d’ordures, de sueur, de pisse et de merde, d’alcool, de café, de nourriture, de shampoing et de détergent, de coton, de cuir, d’asphalte, de métal, de caoutchouc et la plus forte, la plus horrible (délicieuse); celle du sang.

Elle reprit conscience et se vit penchée sur le cadavre d’un homme.

Une horreur foudroyante la prit au ventre et elle se plia en deux, vomit juste à côté de la tête du corps qu’elle ne connaissait pas. Elle ne régurgita pas de nourriture, mais que de la bile et du sang qui lui brûlèrent la gorge au passage. Les larmes lui montèrent aux yeux et elle gémit, hoqueta, fondit en pleurs, le front contre l’asphalte froide.

Elle se mit à crier par-dessus ses sanglots, les yeux clos et les mains contre ses oreilles, hurla à plein poumons sans jamais réussir à couvrir le tollé infernal du battement des cœurs de centaines d’êtres humains existant partout autour.

-

La porte du refuge pour animaux se referma doucement dans un cliquetis sonore. Fouillant dans la poche de son sac pour y repêcher ses clés, Kyle avait la tête tournée vers la rue quasiment déserte en face de lui. La majorité des commerces étaient fermés, seuls certains restaurants ou cafés gardaient teneur, s’échangeant des habitués aux visages rougis et aux bruyants éclats de rire. Planté au milieu d’un large espace vert, le refuge pour animaux se situait un peu à l’écart du centre plus animé du village de Darby. Il s’agissait d’une vieille bâtisse, un ancien hôtel de ville à ce que l’on disait, que le présent propriétaire avait lui-même rénovée une dizaine d’années plus tôt. Le refuge emplissait tout le premier étage et le logis du proprio composait le second. Ce faisant, les fermetures étaient normalement assurées par le patron de l’endroit, mais en des jours comme celui-ci où une urgence quelconque se faisait sentir, c’était à Kyle qu’il déléguait la tâche.
Il y avait peu d’employés au refuge et en comptant ses deux années de bénévolat, Kyle était celui avec le plus d’ancienneté. Depuis sa graduation à l’école secondaire, il y travaillait à temps plein. Le travail en soi était souvent demandant, les heures pas toujours accommodantes, car les animaux ne pouvaient pas simplement stopper d’exister le temps d’un congé bien placé, mais de façon générale, c’était exactement ce qu’il fallait à Kyle.

Il approchait neuf heures. Kyle glapit tout haut en jetant un regard à son cellulaire, voyant qu’il avait déjà une bonne heure de retard. L’écran lumineux affichait aussi six appels manqués (Alisey, Alisey, Alisey, Alisey, Cinnamon, Amadriel) et une dizaine de messages textes, dont les sources étaient à peu près semblables. Kyle leur avait dit « vers 20h00, si je n’ai pas d’empêchement de dernière minute », mais tout le monde flippait malgré tout si quelqu’un se retrouvait en retard à l’un de leur repas du vendredi soir. Alisey en particulier, qui était déjà peu clémente au naturel, avait une attitude toute militaire à ce sujet. Ce n’était pas la première fois qu’elle passerait un savon à Kyle, autant pour son retard que pour sa tendance à oublier de répondre aux messages qu’on lui envoyait.

Il se dirigea vers sa camionnette d’un pas rapide, sachant la maison de sa tante à un peu plus d’une demi-heure de route de son village. Puis, son véhicule était l’un de ces vieux tas de ferraille qui ne démarraient jamais du premier coup et la patience requise pour faire obtempérer le fossile en métal manquait parfois à Kyle. Dans ces moments où la voix d’Alisey lui résonnait déjà au fond du crâne avec colère, Kyle essayait et échouait lamentablement de ne pas trop penser à tous les scénarios catastrophes possibles à partir de ce point. Une histoire commençant par « ma camionnette refusait de démarrer » ne se voulait jamais de bon augure, disons-le. Les doigts crispés sur son volant, Kyle tenta le coup pour une troisième fois. Il retint un cri de joie lorsque le vrombissement du moteur s’éleva bruyamment dans l’air, la machine s’ébranlant avec peine.

Il enclenchait la marche arrière lorsque son cellulaire, jeté entre ses genoux, se mit à vibrer. Kyle manqua de l’échapper au sol sous le coup de la surprise, mais le rattrapa pour constater alors que l’appel lui venait de Joel. Tout en ramenant sa camionnette sur la route, il coinça tant bien que mal l’appareil contre son oreille.

-Hey, Joel?
-YO KYLE, s’exclama la voix de Cinnamon à l’autre bout du combiné.
-Wow, baisse le ton ducon, mon téléphone est juste contre mon oreille. Qu’est-ce que tu fiches avec le portable de Joel?
-J’lui ai emprunté parce que je me suis dit que tu répondrais pas si je t’appelais avec le mien, ha, ricana Cinnamon et Kyle se dit qu’il n’avait pas tort non plus. Qu’est-ce que tu fiches, toi, à nous faire attendre comme la reine d’Angleterre? Tu t’es coincé dans les chiottes du refuge ou quoi?
- On s’est retrouvé avec un chiot quasi-crevé sur les bras, répondit Kyle. On l’a trouvé sur le bord d’une route et on a cru en premier qu’il était mort, jusqu’à ce qu’il se mette à gigoter un peu, probablement en nous entendant arriver. Il n’y a pas énormément de gens qui passent par cette rue normalement, on devait être les premiers à tomber sur cette pauvre bête. On l’a soigné du mieux qu’on a pu, mais ce bébé avait clairement besoin d’un spécialiste. Alors, Frank m’a demandé de le surveiller le temps qu’il fasse un appel au vet de Hamilton. J’ai pas vu l’heure passer; je suis sorti et il était déjà neuf heures moins le quart.
-Quel touchant récit. Gentil petit Kyle que tu es, félicitation. Moi j’dis que t’aurais pu l’achever et te ramener ici à l’heure, à la place. Mais non, là, tu vas encore puer le chien à dix kilomètres à la ronde.

Devinant bien le rictus qu’abordait son ami, Kyle lança sur un ton qui se voulait cynique :

-Toujours plein de bonnes idées, n’est-ce pas? J’espère que tu visualises bien mon majeur relevé en réponse.
-Oooh, j’aime ça. Continue, ça sonne comme un début de phone sex. De quelle couleur sont tes sous-vêtements, Kyyyyle?
- Très drôle, fit Kyle avant de soupirer : Bon, ça y est, j’ai à peine réagi à celle-là. Je passe définitivement trop de temps avec toi.

Cinnamon lâcha un rire sonore dans le combiné. Même lorsque son ami riait à ses dépens, chose qui arrivait assez régulièrement, il y restait souvent un détail contagieux qui ramenait un sourire au visage de Kyle. Simplement dit, il avait appris à ne plus se formaliser des piques de l’autre.

- Ta mère pleurerait de joie à te voir devenir un homme comme moi, Greenwood, siffla Cinnamon, de la satisfaction ravie au fond de sa voix.
-J’en doute pas une seule seconde. Sauf pour la partie où t’as mentionné le mot « joie », je crois qu’il faudrait plutôt le remplacer par « horreur » ou « désespoir ».

La réponse de Cinnamon fut étouffée par une brève cacophonie de voix différentes parmi lesquelles Kyle distingua celles de Beth, de Jérôme, d’Elena, de Joel et même d’Alisey en fond, comme si chacun avait soudainement envie de glisser son mot dans la conversation. Finalement, Jérôme eut le temps de lancer : « TOTALEMENT D’ACCORD AVEC TOI, KYLE, MAIS DÉPÊCHE-TOI DE RAMENER TES FESSES ICI, BORDEL », juste avant que Cinnamon ne reprenne le contrôle du portable avec une série d’insultes peu obligeantes. Kyle, qui s’étouffait déjà de rire, lâcha un bruyant hoquet lorsqu’il entendit Amadriel claquer la tête de Cinnamon avec un sec : « langage, jeune homme ».

- Ils savent pas se mêler de leurs affaires, bande de cons… On t’a déjà dit que tu riais vraiment mal ?, grogna son ami, une fois le calme revenu.
- Peut-être, répondit machinalement Kyle. Faut dire que le téléphone n’est même pas à toi à la base.
-Des détails, toujours des détails!

Son fou rire calmé, l’expression de Kyle s’adoucit. Il souriait dans le vide, les yeux posés sans la voir sur la route monotone qui défilait face à lui. Les champs se succédaient, seulement bordés de tristes lampadaires à la tête courbée et d’habitations qui brillaient au loin. Kyle s’imaginait déjà ailleurs, dans la maison chaude et vivante d’Amadriel. Au quotidien, la meute vivait à l’écart les uns des autres, dispersée dans plusieurs petits villages du comté de Ravalli, au Montana. Cette division relevait d’un choix de groupe : il était prioritaire pour la protection de la meute de conserver le plus grand anonymat possible, tout en permettant à chacun de se retrouver ensemble de façon régulière. Aussi, leur rencontre du vendredi était le seul moment de la semaine où toute la meute se rassemblait invariablement.

-Est-ce que tout le monde est là?, demanda Kyle, davantage pour entendre Cinnamon le dire que par réel questionnement.
-Non crétin, y’a toi qui manques encore. Alisey est en train de péter un fusible, j’te jure, c’est hilarant. Je fais exprès de mentionner ton nom à toutes les deux secondes juste pour voir sa petite veine sur son front palpiter. La mère tente de la distraire depuis tout à l’heure et j’pense bien qu’elle est frustrée contre moi à cause de tout ça. Mais qu’est-ce que tu veux que j’y fasse, Alisey est juste trop drôle. Ah là, tu vas te faire bouffer quand tu vas arriver!
-Aaah, merci bien Cinnamon, comme d’habitude tu m’es d’une aide remarquable.
-C’est que je m’applique toujours pour toi, Jackie d’amour.
-J’arrive pas à comprendre pourquoi elle est toujours si énervée, se lamenta Kyle. Après tout, c’est peut-être la deux ou troisième fois que ça arrive?
- Viens pas me pleurer dessus, tu sais très bien pourquoi, répondit l’autre, brusquement. Nos fêtes du vendredi soir, c’est pratiquement du sacré. Déjà, la seule raison pour laquelle Maeila a pu s’absenter, c’est parce qu’elle n’est pas une partie intégrante de la bande.

La déclaration tomba à plat entre les deux interlocuteurs. La chanson n’était pas nouvelle, mais à tout coup, le rappel blessait Kyle. Il n’aimait pas particulièrement être remémoré de la distance qui existait entre lui et celle qu’il considérait pourtant comme sa meilleure amie. Maeila était toujours la bienvenue chez la meute, mais elle n’en était pas réellement membre. Elle restait une simple humaine, une amie des loups.

- Je sais, je sais, fit Kyle, après plusieurs secondes de silence accumulé. Je fais pas exprès, vous le savez bien. J’ai pas plus envie que personne d’arriver en retard. Et pour Maeila… Tu connais le problème. J’ai beau lui proposer, elle refuse toujours.
- Bah, je la comprends, répondit Cinnamon. Qui voudrait être mordu par toi après tout? T’as l’air d’un chiot détrempé quand tu te transformes!
-Un chi… Est-ce que tu me mets au défi, Sullivan?
- Seulement si t’as assez de couilles pour dire oui, Greenwood!
- Je te prends au mot, rétorqua Kyle, toutes dents découvertes, et il savait qu’à des kilomètres de là, Cinnamon faisait de même.
- Compris, Mister Jelly McJealous, crève pas en chemin et je te ferai pleurer devant mon pelage lustré de mâle Alpha.

Kyle éclata de rire au moment où la ligne tombait morte. Cinnamon était bien le seul allumé à blaguer avec les termes « mâle Alpha », alors qu’il n’était lui-même qu’un Beta et que sa véritable Alpha se trouvait tout près. Alisey n’avait jamais pris la chose avec gaieté de cœur, c’était le moins que l’on puisse dire. S’il avait le malheur de se faire entendre, Kyle ne donnait pas cher de son cher pelage. D’un autre côté, rien que pour ce fait, il pouvait admirer l’audace de Cinnamon.

Neuf heures et dix s’affichaient à l’horloge du véhicule lorsqu’il rangea son téléphone dans sa poche. Kyle se mordit une lèvre, tapota son volant de ses doigts, la hâte au ventre. Un regard pour les alentours lui assura qu’il était bel et bien seul sur la route de campagne, puis il appuya sur l’accélérateur.
Sa meute l’avait déjà bien assez attendu.

-

Le cottage à l’anglaise de sa tante reposait à l’orée d’une immense forêt, isolé du village le plus près par une dizaine de kilomètres. La meute n’avait pas choisi ce point de rencontre hebdomadaire sans raison; Amadriel était la seule du groupe à posséder une maison assez large et bien située pour tous les accueillir. Ce faisant, chaque vendredi, le vaste terrain se remplissait d’une bonne dizaine de voitures et la maison se dotait de tout autant de visiteurs supplémentaires. La camionnette de Kyle se fit entendre à neuf heures et demie passées. Il s’était à peine engagé sur le chemin de terre menant à la demeure que la porte de celle-ci s’ouvrait en grand et déversait sur le porche Jérôme, Beth et Elena. Kyle eut un rire joyeux, ne manquant pas de répondre à leurs grands signes de bras en brandissant le sien par sa fenêtre ouverte.

- Kyle! Il était temps!, s’exclama Beth, lorsqu’il mit pied à terre.
-Tu ne t’es pas pressé, mon vieux, ajouta Jérôme en lui flanquant une tape amicale sur le dos.
- Cinnamon ne vous a rien expliqué, j’imagine?
- Si, il a dit quelque chose, mais je ne crois pas que c’est ce qui s’est réellement passé, répondit Elena avec une grimace amusée.

Kyle se passa une main sur le visage, essayant de cacher son sourire exaspéré.

-Est-ce que j’ai envie de savoir?, dit-il en regardant ses amis entre ses doigts.
-Pas vraiment.
-C’est une histoire qui impliquait un chien, une vache, la reine d’Angleterre et un peu trop de déviances sexuelles pour être décente à répéter, expliqua Beth. Ne t’inquiète pas, personne n’a vraiment cru que tu t’étais arrêté en chemin pour faire des trucs louches avec une vache, ajouta son amie, le ton conciliant.

Kyle grogna tout haut alors que les trois autres éclataient de rire. Il n’était pas particulièrement surpris de voir son message s’être fait déformer de la sorte. Avec Cinnamon, c’était chose à prévoir.

-Et puis, au sujet d’Alisey…, commença délicatement Kyle, le regard fixé sur les ombres qui défilaient par les fenêtres masquées de rideaux.

Ils étaient parvenus au paillasson, mais personne ne fit un geste pour ouvrir la porte.

- Bah…, fit Jérôme en se frottant la tête.
-Ça a déjà été pire, dit Beth.
- Ben voyons, lança Elena, finalement. Arrêtez donc un peu de parler comme si elle allait manger Kyle. Si vous voulez mon avis, c’est parfaitement normal qu’elle se fasse tant de soucis pour la meute; c’est notre Alpha. Alors, bouge-toi un peu, frérot, et entre. Surtout que plantés comme ça juste devant la porte, c’est évident qu’elle entend tout ce qu’on raconte.

Kyle baissa la tête avec un rire. Beth et Jérôme lui souriaient d’une manière presque identique et Elena l’observait avec douceur. Elle cogna son épaule contre la sienne, dressant le menton vers la porte. Kyle inspira, se sentant un peu ridicule dans toute l’affaire, puis déposa une main sur la poignée. À peine l’eut-il touchée que celle-ci se déroba sous ses doigts, la porte s’ouvrant en grand pour laisser voir la silhouette explosive de leur Alpha, Alisey Firas. Jambes campées, bras croisés sur sa poitrine, elle plaqua Kyle d’un regard dur. La scène aurait pu être comique, si seulement Kyle n’en avait pas été un acteur aussi proéminent.

- Alors, grinça-t-elle. Enfin arrivé?

Kyle flancha, pencha la tête en soumission. L’aura de mécontentement que dégageait Alisey semblait s’enfoncer en plein dans son ventre, le ratatinant sur lui-même; mains dans les poches et épaules remontées comme un enfant en pleine réprimande. Ce qu’il était en quelque sorte, bien qu’Alisey soit à peu près du même âge que lui.

-Désolé, on a eu une urgence de dernière minute au refuge, répondit-il. Je sais que je…
-AH, Jackie!, s’écria Cinnamon, surgissant dans le dos d’Alisey. T’es enfin arrivé? Merde que c’était long! Ça doit bien faire deux heures qu’on t’attend, pas vrai, Alisey? Elle s’est fait des rides en attendant, regarde sur son front, c’est barré de lignes ce truc!

Amadriel apparut à son tour, juste à temps pour saluer Kyle et tirer Cinnamon loin de la fureur d’Alisey. Celle-ci lui lança quelques injures, les dents découvertes et les canines un peu trop longues pour relever de son apparence humaine, et Kyle maudit silencieusement son ami qui ne savait jamais vraiment quand s’arrêter. Son Alpha se retourna vivement vers lui et il se raidit, presque au garde-à-vous. Elle le fixa un court moment, le regard bouillant, puis hocha sèchement la tête.

-Qu’importe. Reste pas planté sous le cadre de porte comme un imbécile et ramène-toi.

Kyle expira bruyamment, un large sourire gagnant son visage. Alisey avait déjà tourné les talons pour s’engouffrer dans la cuisine à droite du couloir principal. Le dos contre la porte fermée, Jérôme refila un coup léger à Kyle, éclatant de rire. Suivie alors Elena qui lui lança un regard signifiant clairement « Je te l’avais dit » avant de le dépasser sans un mot pour disparaitre au salon.

-Bon voilà, c’était pas si mal, rigola Beth en emboîtant le pas à son amie. Maintenant, dépêche-toi, Kyle, ou il restera plus rien à manger pour toi!
-Impossible, répliqua Kyle. Tout le monde sait que le tiers de la bouffe est préparé juste pour moi!

Et Kyle allait faire un pas en avant lorsque son téléphone portable se mit pour la deuxième fois de la soirée à vibrer avec force. Il le tira de sa poche. Un numéro inconnu et interurbain s’affichait à l’écran. Ne voyant pas trop qui pouvait l’appeler à cette heure-ci, un vendredi soir de surcroît, Kyle hésita quelques secondes à y répondre. Il jeta un bref coup d’œil à Jérôme qui le regardait aussi, figé au milieu du couloir avec un air curieux, puis décrocha la ligne.

-Hello?

De bruyants sanglots s’élevèrent à l’autre bout du fil. Pris de court, Kyle sentit ses yeux s’écarquiller avec effarement, un mauvais pressentiment l’envahissant doucereusement.

-Hello? Qui est-ce? Est-ce que tout va bien?, demanda-t-il précipitamment. Hello?

La personne renifla plusieurs fois, la respiration affolée comme au cœur d’une crise de panique. Sa voix s’entrecoupa d’une série de mots incohérents, jusqu’à ce qu’elle en lâche un très net, avec une force toute désespérée.

-Kyle!

L’estomac de Kyle chuta vertigineusement, une peur horrible le submergeant, lui coupant le souffle.

-Maeila..?
-Kyle, Kyle, aide-moi, je t’en prie! Il s’est passé quelque chose, quelque chose de terrible… Oh Kyle, je crois qu’ils m’ont transformée!



Dernière édition par Kyle le Sam 9 Fév 2013 - 19:10, édité 2 fois
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Bones
Spécialiste de Serpents & Échelles
Bones


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MessageSujet: Re: Bloody Hell   Bloody Hell Icon_minitimeSam 9 Fév 2013 - 18:42

Bones arpentait les rues noires de Marlboro, comme à son habitude, humant l’air frais du soir avec satisfaction. Il avait été enfermé toute la journée dans le minuscule appartement qu’il louait à un prix modique et l’envie de se dégourdir les jambes l’avait pris dès le coucher du soleil. Depuis, il a avait déjà visité trois bars, tous bondés de travailleurs et de groupes d’amis. La fin de semaine s’amorçait, les festivités battaient leur plein. Le jeune homme observait les passants avec un sourire effacé en coin. Il préférait rester à l’écart des humains et ne partageait rarement ses soirées avec quiconque. Son activité favorite demeurait la traque de victimes potentielles, et celle-ci demandait un certain recul. Lorsque Bones avait trouvé un individu intéressant, alors il le suivait et tentait de l’entraîner dans les plus sombres recoins de la ville.

Malgré toutes les précautions que Bones prenait, les risques de se faire prendre demeuraient toujours plutôt élevés. C’était pourquoi un sac avec ses effets personnels était toujours prêt et l’attendait bien sagement dans le vestibule de son appartement. Étonnamment, les Hunters pullulaient dans cette région calme. Bones se doutait bien qu’il devait s’être établi près d’une base, et il aurait pu quitter aussitôt la ville, mais il se plaisait bien, à vagabonder sous le nez de ces chasseurs de vampire. Déjà sept victimes en deux mois. Les Hunters devaient s’arracher les cheveux en essayant de comprendre qui pouvait bien commettre toutes ces attaques… Quant aux habitants, Bones prenait les précautions nécessaires pour ne pas qu’ils ne se doutent de rien. Il cachait les traces de morsures sous des griffures, droguait ses victimes et les libérait dans la nature avec le peu de bon sens qui leur restait. On croyait à un trafic de drogue, des règlements de compte.

Les Hunters ne se laissaient pas berner aussi facilement toutefois, et ils prenaient l’affaire très au sérieux. Bones en avait repéré quelques-uns au fil du temps. Un grand rouquin se tenait toujours au coin du Blue Lagoon et défigurait de manière peu subtile tous les clients qui entraient et sortaient. Le vampire lui avait déjà souri, mais rien de plus. Il y avait aussi une gamine et son frère qui semblaient jouer en solo, mais ils semblaient tellement inoffensifs que Bones n’avait même pas pris la peine d’analyser leur routine. Bones jugeait être suffisamment prudent pour demeurer à Marlboro. Cette ville était en plein ce qu’il voulait, un juste mélange de tranquillité et d’excitation.

Ce fut au Poppies Field que Bones trouva finalement une victime de choix. Brunette, jolie, déjà un peu réchauffée, la jeune fille ne demandait qu’à être amenée ailleurs. Suffisait d’éliminer les deux prétendants qui la voulaient dans leur lit et Bones allait avoir la voie libre pour aller boire son sang en toute tranquillité. Il s’assit au comptoir, face à elle, et échangea quelques regards. À l’aide de sourires complices, il lui fit comprendre que les deux hommes ivres étaient complètement ridicules et qu’elle méritait mieux. La jeune femme, amusée et un peu intriguée par le beau blond qui la toisait depuis plusieurs minutes, finit par s’asseoir à ses côtés, ce qui valut à Bones quelques regards jaloux. Néanmoins, il discuta calmement avec la jeune fille et, quelques verres plus tard, il lui proposa de sortir à l’extérieur. Ravie, la brunette accepta aussitôt et ils quittèrent le bar, main dans la main.

Bones l’entraîna quelques rues plus loin, affirmant que son appartement était tout près. De plus en plus hésitante, la jeune femme le suivait sans rien dire. Finalement, voyant qu’elle se trouvait dans le quartier le plus ghetto de la ville, elle prit peur et inventa une excuse pour prendre la fuite. Bones la regarda partir, un sourire amusé aux lèvres. C’était sa partie préférée de la chasse. Sans difficulté, il rattrapa la jeune femme et celle-ci retint un cri apeuré en le remarquant. Avant qu’elle ne s’énerve davantage, Bones posa sa main sur la bouche de sa victime et il la plaqua contre un mur. L’éclat de ses pupilles devint sombre et ses canines, déjà plutôt proéminentes, se prononcèrent davantage.

–Ne bouge pas. Ça pourrait pincer un peu… l’avertit-il.

La fille écarquilla les yeux alors que le vampire mordait dans la chair à pleines dents. Il n’eut cependant pas le temps d’apprécier sa conquête : une douleur aigüe entre les omoplates le fit tressaillir. Furieux d’être dérangé à l’heure du repas, il se tourna vivement et aperçut la gamine Hunter, de l’autre côté de la rue, une arbalète miniature à la main.

–Alors c’est toi le con qui tue tout le monde, souffla-t-elle, d’une voix tremblante de colère, le regard rivé sur lui.

Bones eut un bref rire, puis il fit un pas de côté, laissant tomber la jeune fille au sol.

–Peut-être bien.

La douleur persistait dans son dos. Le vampire se contorsionna, tâchant de trouver la source de l’inconfort.

–Qu’est-ce que t’as tiré bon sang? chercha-t-il à comprendre. J’arrive pas à voir… Ah!

Il retira l’éclat de bois de sa peau et le jeta au sol. Il releva la tête, puis s’avança lentement vers la jeune Hunter. Celle-ci s’empressa d’armer à nouveau son arbalète. Bones se jeta sur elle et emprisonna ses poignets entre ses doigts fins.

–Je ne ferai pas ça à ta place, déclara-t-il avec dureté.

Elle le défia longuement du regard, mais elle dut se résoudre à lâcher son arme pour ne pas avoir les os broyés. Un rictus anima le visage de Bones.

–Qu’est-ce que tu fais toute seule? Ton grand frère n’est pas là? s’amusa-t-il.
–Il est occupé à en tuer d’autres, l’informa sèchement la fille.
–Oh, je vois. Et moi qui croyais être le seul vampire en ville… Marlboro est plus palpitant que je pensais! conclut joyeusement Bones.

Il fut aussitôt aspergé d’eau bénite par le spray caché dans la manche de la fille. Il recula en réprimant un gémissement.

–T’aurais pas dû faire ça, marmonna-t-il.
–Qu’est-ce que tu vas faire? Me tuer? C’est plutôt moi qui ai l’avantage ici, lui fit remarquer la jeune Hunter en récupérant son arme.
–Si tu avais vraiment voulu me tuer, tu l’aurais fait depuis longtemps, répliqua Bones en se redressant lentement. Vise le cœur.

Il appuya ses propos en posant une main sur son torse. La jeune fille l’observa avec frustration. Elle mourrait d’envie d’appuyer sur la gâchette et d’en finir avec ce stupide vampire qui l’énervait depuis des semaines… mais d’un autre côté, elle ne pouvait se résoudre à éliminer un témoin aussi important. Avec lui, elle pourrait probablement obtenir une tonne de renseignements, dénicher quelques nids principaux, trouver encore plus de vampires…

–On m’appelle Bones, se présenta soudainement ce dernier.

Elle le jaugea longuement sans rien dire, puis elle ajouta à voix basse :

–Emy.

Bones lui sourit.

–Enchanté de te rencontrer Emy.

La dénommée fronça les sourcils. Elle n’avait jamais conversé avec un vampire, pas aussi longtemps en tout cas. Maintenant que les présentations étaient faites, le tuer devenait plus compliqué… Comme si cette convention sociale le rendait plus humain. C’en était ridicule! Qu’est-ce qui lui prenait à rester figée de la sorte face à un vampire? D’ordinaire, celui-ci serait déjà mort, gisant à ses pieds. Et maintenant, elle ne pouvait se contenter que de soutenir le regard gris de Bones.

Brusquement, un grand homme brun accourut.

–Emy, qu’est-ce que tu fous?! Tire!

Avant qu’elle ne puisse reprendre le contrôle de ses émotions, Bones était déjà disparu, ne laissant que la jeune fille à moitié égorgée comme preuve de son passage. Le frère d’Emy arriva finalement à sa hauteur.

–Qu’est-ce que c’était que ça?! Tu l’avais! T’avais juste à tirer!
–J’ai tiré! J’allais le faire…
–Bon sang…

Mathieu soupira bruyamment, sans comprendre le comportement de sa sœur, puis il la contourna rapidement pour aller vérifier l’état de la victime. Alors qu’il appelait une ambulance, Emy réfléchissait nerveusement. Ce vampire n’augurait rien de bon. La prochaine fois qu’elle le croiserait, elle ne se laisserait pas amadouer. Il avait peut-être réussi à la déconcentrer, mais elle ne tomberait plus dans son jeu. Quant à Bones, ce dernier se rappelait avec hilarité l’expression de la jeune Hunter. Il aurait pu mourir, d’un autre dard bien placé, mais elle avait été prise de court par l’attitude humanisée de Bones et il avait pu sauver sa peau. Il imaginait déjà la colère de cette Emy, qui allait probablement redoubler d’efforts pour le retrouver. Il serait déjà loin lorsqu’elle se mettrait à la tâche…

Une fois à l’appartement, Bones s’empressa de retirer son t-shirt mouillé. La peau lui démangeait, il courut à la salle de bain et entra dans la douche, tout habillé. Il attendit patiemment que les sensations de brûlures disparaissent, puis il alla revêtir des habits propres. Il devait quitter Marlboro et aller regagner le Nid. Affaibli par l’eau bénite, Bones ne pouvait pas rester seul dans cette ville. Et puis, il n’avait pas réussi à retirer totalement le dard dans son dos, il sentait toujours un léger inconfort lorsqu’il bougeait les épaules. Mieux valait retourner parmi les siens pendant un moment, le temps que la poussière redescende au New Jersey. Bones empoigna son sac et abandonna son appartement. Cinquante minutes le séparaient de New York. En fait, s’il sprintait, il allait pouvoir y être avant trois heures du matin. Sans perdre plus de temps, Bones s’élança dans la nuit en direction de la grande ville. Il ne croisa personne en chemin, et ce fut tant mieux. Le vampire n’était pas de taille à affronter d’autres Hunters.

Une fois parvenu à destination, Bones s’engouffra dans la station de métro la plus près. La douleur dans son dos s’intensifiait graduellement. Emy devait avoir enduit ses dards d’un quelconque poison. Ce fut donc avec une expression ennuyée que Bones se glissa dans les tunnels. Il marcha lentement jusqu’au terminus désaffecté qui servait de refuge à un groupe de vampires, au cœur même de Brooklyn. Il s’agissait probablement du plus grand regroupement de vampires de la région, Bones était assuré de trouver l’aide nécessaire là-bas. Auparavant, il y avait vécu plusieurs années, mais les plaisirs du vagabondage lui manquaient et il avait quitté la troupe pour quelques décennies. Bien qu’il n’ait pas mis les pieds dans le métro newyorkais, la Veine, depuis des années, le décor restait semblable : sale et humide.

Finalement, un cul de sac se présenta à lui. Le tunnel était bloqué par des débris, des planches de bois et un vieux wagon. Bones ouvrit sans difficulté les portes autrefois automatiques et il traversa le compartiment. Un sourire se glissa malgré lui sur ses lèvres lorsqu’il aperçut les lumières du Nid. Un sentiment de sécurité l’envahit alors qu’il quittait le wagon abandonné. La place était pratiquement vide, les vampires étaient sortis prendre l’air. Néanmoins, quelques-uns étaient restés à la base et discutaient dans un coin. Leur conversation semblait enflammée et elle prit rapidement fin lorsque les vampires remarquèrent la présence de leur compatriote.

–Bones! s’écria la Mama du Nid.

Toutes les têtes se tournèrent vers lui et on vint à sa rencontre.

–Qu’est-ce que tu fais ici? s’étonna Lydia.
–Hunters, répliqua simplement Bones.
–Tu t’es fait attaquer?
-On peut dire oui… D’ailleurs, j’aurais besoin d’aide, je crois que j’ai un morceau de bois dans une omoplate, commença Bones.
–Où étais-tu? demanda Legan.
–New Jersey, Marlboro. Ils sont encore loin, t’inquiète.

En tant que chef du Nid, Legan veillait à ce que les Hunters ne découvrent pas le réseau de la Veine. Il hocha lentement la tête, plus-ou-moins satisfait de la réponse de Bones.

–Jean m’a dit que quelques-uns se sont établis à Easton, en Pennsylvanie, dit-il à Lydia. Ils se rapprochent…
–New York est LA ville à vampires, le rassura-t-elle. C’est normal qu’ils surveillent les alentours.
–N’empêche… Il va falloir prendre des précautions avec les nouveaux.
–Eh, j’ai toujours un pieu dans le dos, fit Bones.
–C’est bon, tourne-toi, je vais regarder, marmonna Lydia en lui faisant un signe impatient de la main.

Satisfait, Bones releva son chandail et patienta alors que Lydia extrayait les éclats de bois.

–Avec qui vous vous engueuliez? interrogea-t-il Legan.
–Oh… Nolan.

Le nom lui disait vaguement quelque chose. Il jeta un regard dans la direction du vampire et le reconnut après coup.

–Il est encore en vie? s’étonna Bones.
–Oui. Et il fout le bordel, maugréa Legan.
–Il chasse?
–En plein cœur de Time Square! Il va attirer tous les Hunters si ça continue…
–Il va apprendre sa leçon une fois qu’il se fera attraper, déclara Bones avec un air entendu.
–Parce que tu as appris ta leçon? rétorqua Lydia, peu convaincue.

Bones ricana, mais ne la contredit pas.

–Bon sang, je ne sais pas sur qui tu es tombé, mais ce n’était pas un amateur, commenta Lydia. Le pieu a éclaté autour de la plaie. J’ai enlevé ce que j’ai pu.
–Super, grimaça Bones en rabaissant son t-shirt. C’est bon, merci. Le reste devrait cicatriser…
–Tu devrais faire plus attention la prochaine fois.
–Ouais, ouais… Alors qu’est-ce qui s’est passé durant mon absence?
–On a quelques nouveaux, lui apprit Legan. Ariel et Nina sont toujours avec nous, Jean réapparaît quelques fois par année… Nolan et Lê Thu aussi, malheureusement.

Un sifflement rauque se fit entendre plus loin. Legan leva les yeux au ciel et poursuivit son inventaire.

–Y a le Kid aussi. Il est sorti.

Le Kid, aussi connu sous le nom de Niko. Un vampire figé à l’âge de douze ans. Bones n’avait jamais rencontré quelqu’un d’aussi… inquiétant.

–Les autres sont à l’étranger, conclut Legan.
–Je vois… Et les nouveaux?
–Ethan, il a été mordu par Jean il y a quelques années, lui expliqua rapidement Lydia.
–Et Ophia, un vampire encore plus vieux que moi, marmonna Legan.

Âgé de 282 ans, Legan était l’aîné du Nid. Était.

–Tu vas rester longtemps parmi nous? voulut savoir Lydia.
–Le temps de me faire oublier un peu, répondit Bones avec nonchalance.
–Parfait. De l’aide supplémentaire ne serait pas de refus pour renforcer le mur, soupira Legan en pointant l’entrée du Nid.
–Tu crains vraiment une attaque d’Hunters?
–Il n’a jamais été aussi paranoïaque, chuchota Lydia.

Bones sourit et jeta un regard par-dessus son épaule. Assis seul dans un coin, Nolan le dévisageait avec sérieux. Les deux vampires se toisèrent respectueusement pendant quelques secondes, puis Ariel et Nina sortirent du wagon. Le soleil amorçait son ascension dans le ciel, les vampires revenaient tranquillement au Nid. Épuisé par sa nuit mouvementée, Bones quitta le cercle de conversation et alla s’installer au fond de la station. Il se laissa glisser contre le mur jusqu’au sol, puis il enfonça ses écouteurs dans les oreilles et ferma les yeux.

La journée allait être longue.
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Kyle

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MessageSujet: Re: Bloody Hell   Bloody Hell Icon_minitimeLun 8 Avr 2013 - 20:05

Quelque part en cet instant, le monde aurait dû doucement s’éteindre et le silence aurait dû les envahir, les ensevelir dans un néant proche de celui du fond des mers pour ne laisser que le flou de ses pensées. Au lieu de, la respiration saccadée de Maeila se fracassait contre ses tympans, le secouait jusque dans ses os. Tous les bruits ambiants paraissaient se rassembler en un unique point, un grondement à peine couvert par les lourds battements de son propre cœur. Kyle fixait le mur, mais il n’y avait que son ombre pour lui renvoyer son regard.

-Transformée? Elle a dit « transformée »?

Jérôme, qui s’était immobilisé dans l’allée, n’avait pas manqué l’échange. Ses larges yeux bruns brillaient d’incompréhension et ses bras s’étaient raidis comme s’il s’apprêtait à partir en sprint. Il fit un pas vers l’avant, stoppa, recula, demanda :

-Transformée par qui? Par quoi?

Kyle ne réagit pas. Ses yeux restaient fixes, l’appareil téléphonique toujours collé contre son oreille, Maeila à l’autre bout qui ne faisait plus que pleurer doucement. Une seconde s’écoula et Jérôme s’avança vers lui, déposa une main sur son épaule pour le secouer.

-Kyle, hé ho, Kyle, dit-il en montant le ton, Kyle, qu’est-ce qu’il se passe?!
-Kyle!

Le son de son nom résonnant à la fois de la part de Jérôme et de Maeila le sortit de son état immobile. Comme si un engrenage se remettait à tourner, une vague d’angoisse surréelle s’abattit sur Kyle, sorte de pression étouffante sur tout son être qui l’engloutit au moment où il retouchait terre. Levant des yeux désespérés vers Jérôme, il se vit incapable de proférer une parole. Jérôme hocha alors la tête, essayant de masquer son trouble grandissant, et lui prit le téléphone des mains.

-Maeila?
-Jé…Jérôme?, répondit la jeune fille, la voix faible dans le combiné malgré l’ouïe ultra-fine des loups.
- Oui, c’est moi. Okay, o-okay Maeila, j’ai besoin de comprendre un peu. Tu as besoin d’aide, c’est ça? Tu es blessée? Est-ce que tu es en danger en ce moment?
-N-non, enfin, je ne sais pas, je… j’ai…
- Maeila, l’interrompit Jérôme avec le plus de douceur dont il était capable en ce moment précis. Commence par me dire ce qu’il s’est passé?

Maeila prit un instant pour se contenir, expira un souffle sangloté net et aigu au travers du téléphone. Les premiers mots qu’elle énonça furent incompréhensibles et elle dut s’y prendre par trois fois avant de réussir à dénicher des propos cohérents.

- J’ai été attaquée… je ne sais plus quand, au-au coucher du soleil, je crois… Ça s’est passé en plein milieu d’une rue. Il y avait des gens, hoqueta-t-elle. Et…et personne… personne n’a rien vu. Je… je me suis fait mordre… Je me suis réveillée à l’arrière d’un hôtel et…

Une secousse de sanglots la saisit brutalement. Sa phrase resta suspendue en l’air, incomplète, renversée par une nouvelle série de plaintes désespérées.

-Des gens, Jérôme, des gens partout, et personne… je croyais que, je croyais qu’ils… que ça ne se faisait qu’en pleine nuit, je croyais… je suis tellement désolée, chuchota-t-elle au fond du combiné, tellement désolée, je ne pensais pas… j’aurais dû…

Jérôme envoya un regard secoué à Kyle, tout aussi incapable de trouver quelques mots suffisamment forts pour calmer la situation. Kyle hurlait intérieurement, griffait rageusement les parois de son esprit et pressentait des larmes éperdues lui brûler le coin des yeux. Il ne savait ni quoi faire ni quoi dire, n’était même pas fichu de parler lui-même à sa meilleure amie parce qu’il était trop terrifié d’en apprendre trop, trop effrayé de devoir affronter ce qui pourrait être irréversible.
Une pression sur son bras tira ses yeux vers Jérôme. Son ami l’avait empoigné avec force, autant pour se soutenir lui-même que pour raccorder Kyle à lui. Il n’en menait pas plus large; Jérôme n’avait jamais été le plus habile avec le stress non plus, mais il jouait en équipe et il était prêt à en prendre gros sur son dos pour la meute. Kyle baissa la tête, envahi d’une bouffée de reconnaissance soudaine pour le jeune homme en question.

-Maeila, Maeila, répéta plusieurs fois Jérôme d’une voix serrée. Calme-toi, respire et calme-toi. Moi et Kyle, on est complètement paumés là, on a besoin que tu sois là avec nous, okay? Tu nous connais, hein, qu’est-ce qu’on est capable de faire sans notre coordinatrice préférée?

Maeila lâcha un rire qui s’apparentait plutôt à un gémissement hystérique, le son semblant la surprendre elle-même. Elle murmura un « okay » chevrotant et sa respiration ralentit alors qu’elle tâchait d’adopter un rythme plus contrôlé et calme. Maeila était une fille qui, d’ordinaire, n’était pas la plus à fleur de peau; gardant généralement un bon contrôle sur la teneur de ses émotions, elle restait du type privé. Fondre en larmes ainsi, se montrer dévastée et incapable de reprendre le dessus, tout cela ne pouvait être qu’un coup de plus à ses yeux.

- Je me suis trouvée un petit motel, dit-elle après un moment. Une place un peu horrible mais…
- Super, répondit Jérôme en expirant de soulagement. T’as toujours été tellement prévoyante, c’est excellent. Donc, t’es en sureté? Ou du moins, tu es seule, à l’abri des autres et… aussi du soleil quand il se lèvera?
- Le soleil?!, s’exclama soudainement Kyle. Pourquoi le soleil? Tu comptes la laisser pourrir là-bas toute la nuit?!
- Qu’est-ce que tu veux faire d’autre?!, rétorqua Jérôme, le ton grimpant à toute vitesse. Tu penses que ça me plait? Elle est à Miami, bordel, à Miami et nous, au Montana! Alors, à moins que tu n’aies découvert comment te faire pousser des ailes, tu… KYLE!

Sa main retint de peine le bras de Kyle qui avait tenté de faire brusquement volte-face. Il se retourna vers Jérôme, ses iris se fondant en un noir liquide, éclatant au milieu de la tempête qui faisait rage sur son visage.

- J’en ai rien à foutre, je vais la chercher maintenant, fit Kyle, les dents serrés, tous ses muscles en ébullition.

Il tira d’un coup sec et se délogea de la poigne de Jérôme, emporté sous les hurlements du loup en son intérieur qui grondait pour sa libération, pour courir jusqu’au bout du monde et reprendre ce qui était sien. Ce qui aurait dû être sien. S’élançant vers Kyle, Jérôme l’agrippa durement par l’épaule. Sa main se retrouva aussitôt prise dans l’étau des doigts griffus de Kyle qui peinait de plus en plus à maintenir son calme.

-Qu’est-ce que tu n’arrives pas à comprendre dans « je vais la chercher », Jérôme?
- Et comment tu comptes faire ça?, s’écria sur le même ton ce dernier, profitant des quelques centimètres qu’il avait de plus sur Kyle pour l’écraser d’un regard défiant. À quatre pattes à la course?
-S’il le faut!
- Kyle, arrête de faire le con! Même si tu partais maintenant, tu n’arriverais pas avant le jour, alors qu’est-ce que ça change?!
- Ça change que je dois faire quelque chose!, hurla Kyle, désespéré. Je ne peux pas, Jérôme, je ne peux pas laisser ma meilleure amie seule dans un motel de merde alors qu’elle vient tout juste de se faire mordre par un de ces suceurs de sang!

Au son de son propre cri, Kyle s’immobilisa. C’était une chose de l’apprendre, de tenter de se constituer une image compréhensive (puis de fuir cette même image dans la seconde suivante), d’essayer d’encaisser le premier choc de l’annonce, mais c’en était une autre de l’énoncer soi-même, d’entendre sa propre voix inscrire les mots dans la réalité, dans son âme et dans ses os. Jérôme le regardait avec un visage crispé, un regard perdu sous ses sourcils durement froncés. Le téléphone de Kyle jonchait au sol et la respiration de Maeila était la seule chose qui rappelait encore sa présence.

-La dernière chose qu’elle a besoin d’entendre en ce moment, fit Jérôme d’une voix à peine contrôlée, c’est toi en train de péter les plombs.

Une cacophonie de pas pressés les fit sursauter d’un même mouvement. Alisey débarqua dans le couloir du hall, Amadriel sur ses talons, s’exclamant avec férocité :

-Qu’est-ce qui se passe ici?!

En arrivant à leur hauteur, Amadriel ramassa le cellulaire oublié et s’occupa alors de converser avec la jeune fille qui tenait toujours la ligne. Kyle entendit vaguement les sanglots de son amie reprendre de plus belle, mais toute son attention se concentrait déjà sur la présence impitoyable de son Alpha.

-C’est Maeila, dit Jérôme. Elle a un… grave problème, elle…
-J’ai bien entendu alors?, coupa Alisey, une sonorité dure comme du roc au fond de la voix. Maeila s’est fait mordre?

La question tomba à l’oreille de Kyle avec brutalité. Il baissa les yeux, encore incapable d’encaisser l’ampleur de la réalité. Jérôme acquiesça en son nom.

-C’est vrai.

Le visage d’Alisey se noircit, un orage furieux se glissant entre ses traits, assombrissant ses yeux d’un éclat surréel.

- Qui?, demanda-t-elle, qui est la vermine qui l’a mordue?
- On l’ignore… On ne lui a pas demandé en fait, je crois qu’elle…
- Ce n’est pas important, s’interposa Amadriel. Pour l’instant, la priorité est de ramener Maeila ici, parmi nous.

Elle passa une main sur l’épaule de Kyle, la serrant en guise d’encouragement. En tournant la tête vers sa tante, Kyle la vit solide et rassurante, plantée derrière lui comme un pilier malgré sa figure étirée de fatigue et de soucis. La vision l’ébranla, le submergea d’un puissant sentiment de reconnaissance à l’égard de sa simple présence auprès de lui. S’il y avait quelqu’un qui pouvait gérer la crise tout en conservant un calme à peu près généralisé, c’était bien Amadriel.

- Il va falloir faire le trajet en avion, lança Jérôme. Le bus ou la voiture, c’est bien trop long et même transformé, comme je disais à Kyle, ce sera pas plus efficace.
- Je n’ai pas d’argent pour me payer un billet d’avion, trancha le concerné.
- Moi oui. Je peux payer les billets.

Surgissant de la cuisine, Abby traçait son chemin jusqu’au-devant du hall. La majorité de la meute s’empilait dans le couloir, petite agglomération silencieuse et nerveuse, chacun jetant des coups d’œil anxieux à la fois à Kyle et à Alisey. Abby se planta devant Kyle, réitérant sa phrase d’une voix qui peinait à rester égale.

- Je peux payer tous les billets qu’il faudra pour ramener Maeila à la maison.

La vue de son amie, les yeux brillants de larmes contenues, la bouche serrée en une détermination ravagée, lui tordit l’estomac. Il songea à Maeila, à quel point elle et Abby étaient proches (deux sœurs perdues à la naissance, qu’on disait parfois en blaguant, tant elles s’accordaient bien), à quel point la nouvelle devait être dure pour Abby aussi, tout autant qu’elle l’était pour lui. La poitrine comprimée, Kyle hocha la tête en réponse. Il aurait voulu la remercier, mais il savait très bien que la jeune fille ne lui faisait pas une faveur. Le geste qu’elle posait n’était qu’évidence.

- Hey! Une minute vous tous!

La meute entière se retourna vers le son cinglant de la voix de leur Alpha. Alisey se tenait les bras croisés, sa petite stature crispée en une sorte de fureur fataliste.

-Vous ne pouvez pas ramener aussi simplement Maeila ici, énonça-t-elle. Elle est devenue vampire. Elle a été attaquée par on-ne-sait quel salaud ou salope et donc, ça signifie qu’il y a de bonnes chances pour qu’elle se trouve sous surveillance. En la trainant jusqu’ici, on ne ferait que les conduire au cœur de la meute et ça, je ne peux pas le permettre.

Les paroles de son Alpha étaient peut-être vraies, mais dans l’état où Kyle se trouvait, elles ne firent que l’enfoncer davantage dans un dangereux affolement. Si Maeila se trouvait bel et bien talonnée par des vampires, ce n’était à ses yeux qu’une raison supplémentaire pour aller la sortir de ce merdier.

- Je ne la laisserai pas là-bas si c’est ce que tu suggères, répliqua Kyle, élevant le ton.

En réponse, Alisey gronda, féroce. Kyle recula d’un pas, parcouru de cet habituel frisson qui lui donnait envie de plier l’échine. S’il fléchit légèrement les genoux, il tint bon, les yeux chargés d’une défiance presque violente. Ne rien faire était littéralement la dernière chose qu’il comptait accomplir. Et il était prêt à affronter son Alpha s’il le fallait.

- Je ne dis pas de l’abandonner, dit Alisey, je dis que vous ne pouvez pas la ramener comme ça sans réfléchir alors que ces vermines lui ont probablement collé un rat sur le dos.
- Et comment est-ce qu’ils ont fait pour savoir que Maeila était des nôtres?, s’écria alors Kyle. Comment est-ce qu’ils ont pu la traquer jusqu’à Miami bordel? Si ça se trouve, ils savent déjà parfaitement où on se trouve!
- L’odeur de Maeila est très reconnaissable, avança Amadriel, elle est une amie des loups, l’un des rares êtres vivants à sentir à la fois l’un et l’autre. Il est très possible que le vampire coupable soit tombé sur elle par hasard et ait… saisi l’occasion.

Kyle la fixa avec de larges yeux, un noir profond couvrant prunelles et iris, le cœur battant à toute allure. Sa gorge était coincée, ses poumons comprimés.

-Et pourquoi? Pourquoi avoir fait ça? Je croyais que les vampires n’aimaient pas l’odeur des loups, pas qu’ils leur courraient après!
- C’est une déclaration.

Kyle fit volte-face, repérant Darren caché dans un coin de la pièce, la tête si basse que l’on en voyait à peine son expression. Posté comme il l’était, il ressemblait à une imposante statue.

-C’est un geste politique, dit-il doucement. Quand on pense de cette manière, mordre –enfin, transformer- un des nôtres est un affront pire encore que de le tuer. C’est… c’est symbolique.
- Exactement, approuva Alisey. En d’autres termes, ce qu’ils veulent, ces débiles, c’est la guerre.

Le silence se déploya avec cette lourdeur caractéristique qui suivait une détonation sonore, les mots de leur Alpha faisant office d’explosifs. Signaux de fin ou de commencement, les deux paraissaient alors se confondre en toute part.

- Il… il est un peu tôt pour porter un jugement pareil, dit Amadriel avec prudence. Nous ne connaissons rien des circonstances. C’est d’ailleurs pourquoi nous devrions concentrer d’abord nos énergies sur Maeila pour la rejoindre et la mettre en sûreté.

Amadriel tourna les yeux vers Alisey, un air pesant au visage. Cette dernière retroussa les lèvres, démontrant de larges crocs à l’autre femme qui courba légèrement la tête, gardant son regard droit et insistant dans celui de son Alpha. Amadriel était l’aînée de la meute, ce qui n’était pas extrêmement vieux en soi car le groupe était jeune, mais elle possédait une sagesse et une influence certaine sur le reste, ce qui rendait ses opinions lourdes dans la balance des choses. Aussi, les paroles d’Amadriel comptaient et malgré toute son attitude dominatrice et colérique, Alisey l’écoutait.

- Deux volontaires, pas un de plus, annonça l’Alpha.
- Alors ce sera moi et Kyle, répondit fermement Abby. Je vais téléphoner tout de suite à l’aéroport pour acheter des billets vers Miami.

Passant une main sur son visage, Kyle poussa une longue inspiration. Sa tante lui tendit le cellulaire toujours allumé, une tristesse soucieuse brillant dans ses prunelles ambrées. Kyle ferma les yeux, porta l’appareil contre son oreille. Maeila ne pleurait plus, mais sa respiration était toujours chaotique comme l’écho d’un enregistrement brisé. Lorsque Kyle ouvrit la bouche, il réalisa à quel point il était lui-même proche des larmes.

-Maeila?
-Kyle..?
- Maeila, reprit-il, la gorge prise en étau. Je te jure… je te jure que tout va bien aller. On arrive, on part te chercher. Tu verras, on trouvera une solution et on va s’en sortir. Je te le promets.

Son amie lâcha un rire étouffé, un son qui ramena un sourire crochu sur les lèvres de Kyle.

-Hey, te moque pas de moi, dit-il doucement. Tu sais comment je suis bête avec les mots.
- Je me moque pas, répondit Maeila, tant bien que mal. Ça me rappelle juste que j’ai toujours dit que tu étais comme mon super-héros personnel. J’avais pas tort finalement.
- Dis pas ça, je suis pas un super-héros, j’ai même pas pu te…

Kyle s’interrompit, repassa une main sur ses yeux en appuyant cette fois dessus. La pression fit rouler quelques larmes sur ses joues. Il expira, répéta :

- Mais j’arrive bientôt. Moi et Abby, on vient te chercher.

-

Amadriel leur donna l’adresse du motel que Maeila lui avait elle-même refilée alors qu’elle patientait la fin de la crise. Par miracle (et probablement grâce à l’argent et/ou les connexions de la famille Silverman), Abby réussit à leur dénicher une paire de billets de dernière minute pour un vol de nuit vers Miami depuis l’aéroport du comté d’Ennis. Après l’éternité passée dans le hall d’entrée de la demeure d’Amadriel, le reste sembla se dérouler en avance-rapide. L’aube se levait lorsqu’ils mirent le pied dans la ville, attrapant au passage le premier taxi venu pour les conduire jusqu’au petit motel.

Maeila n’avait pas menti sur le sujet : il était définitivement miteux, avec ses murs blancs caillés et ses portes peintes en rouge craquelées par le temps, saleté et moisissure en prime sur tous les recoins. Ils se plantèrent face à la porte numéro 8, située sur le côté du bâtiment à l’écart de la route et du stationnement, et ce fut Abby qui cogna.

-Maeila? Maeila, c’est nous, annonça-t-elle au même moment.

Le déclic fut long à venir et Kyle se retint de toutes ses forces pour ne pas simplement défoncer la porte d’un coup de pied. Puis, après une série de pas trainants, celle-ci s’entrebâilla. La lumière avait à peine filtrée vers l’intérieur pour éclairer un visage épuisé et couvert de sueur, que ce dernier disparut dans la pénombre avec un cri. Il y eut un choc sourd, comme si Maeila s’était effondrée, et alors, ni Abby ni Kyle n’eut le réflexe de réfléchir à deux fois avant d’ouvrir la porte en grand pour se précipiter dans la pièce, le prénom de leur amie aux lèvres. Elle se trouvait bel et bien au sol, étendue sur tout son long en une masse de convulsions et de plaintes douloureuses.

-La porte!, hurla Abby à Kyle. Ferme la putain de porte, le soleil est en train de la brûler!

Kyle s’exécuta en quatrième vitesse, frappant si fort la porte que les murs autour en vibrèrent presque. Une noirceur quasi-opaque les enveloppa. Maeila avait suspendu aux fenêtres la plus épaisse des couvertures de son lit, sachant que les stores bon-marchés ne suffiraient probablement pas pour le lendemain.

-Maeila, pardon, on est désolés, on aurait dû y penser, murmurait Abby en s’agenouillant auprès de son amie. Elle doit être hypersensible, elle vient tout juste de se faire transformer, ajouta-t-elle à l’adresse de Kyle. Pas que j’en sache long sur les vampires mais… oh mon dieu, Maeila, est-ce que ça va mieux?
- Ça dépend de ce que tu veux dire par « mieux ».

La voix de Maeila trancha péniblement l’air, éraillée comme si on l’avait trainée dans du granite sur une dizaine de kilomètres à la ronde. Lorsque Kyle la regarda, la regarda réellement pour la première fois depuis qu’il avait reçu cet horrible appel, il eut l’impression qu’une main s’enfonçait dans sa poitrine pour lui retourner le cœur. Il tomba durement sur ses genoux, incapable d’empêcher sa vision perçante d’englober le triste spectacle. Maeila paraissait mourante. La jeune fille était déjà très mince de nature, mais à ce moment, elle semblait squelettique, pâle sur le point d’être translucide, et ses yeux striés de veinures écarlates s’ouvraient trop grands sur son visage en pointe. Une main était posée sur son ventre contre le tissu blanc de sa chemise, ce qui ne faisait que mettre en contraste le gris cadavérique de sa peau. Elle tressauta lorsque Kyle se laissa choir au sol à ses côtés, tourna lentement la tête vers lui. Ses lèvres tentèrent un sourire, mais craquèrent à mi-chemin, effilochèrent toute la teneur de son expression.

- Merde Kyle, s’étouffa-t-elle, merde, merde. Je n’ai plus de larmes à verser, arrête de me regarder comme ça. Abby, toi aussi, ne pleure pas, s’il te plait…
- J’essaie, j’essaie, gémit la blonde qui tentait de cacher la montée de ses sanglots derrière sa main, mais je peux pas m’en empêcher, ça me fait mal, Maeila, tu sais pas à quel point on voulait…

Kyle courba la tête, lentement, comme s’il se fondait en une prière. Ses épaules tremblaient, se mirent à tressaillir sous la force des larmes qu’il essayait de refouler. Au creux de sa tête, Jérôme lui répétait en boucle « la dernière chose qu’elle a besoin d’entendre en ce moment, c’est toi en train de péter les plombs ».

- Je sais Abby, je sais, dit Maeila, à peine audible parmi les plaintes de son amie, mais moi je ne voulais pas… Je…

Elle avança une main jusqu’à Kyle et referma ses doigts sur son pull, le visage tourné vers lui, des mots saccadés, chuchotés, s’écoulant de sa bouche comme du sable soufflé au cœur du désert.

-J’ai tué un homme. Je me suis réveillée et il était là, mort, la gorge ouverte bavant de sang. J’en avais partout, sur mes mains, sur ma poitrine, sur mes cuisses et mon ventre et partout autour de la bouche, et il y avait une mare par terre, Kyle, une mare rouge qui continuait de grossir et de grossir et de grossir…

Parcourue d’un sursaut, elle rejeta la tête vers l’arrière pour fixer le plafond, l’air d’implorer un Dieu qui ne pouvait plus lui répondre.

-Je ne voulais pas ça, je ne voulais rien de tout ça. Et là…

De sa main qui tenait Kyle, elle se crispa, se tira vers lui avec maladresse. Elle roula sur le côté, s’appuyant sur son coude, et redressa les yeux vers son ami, des yeux injectés de sang qui paraissaient ne plus rien voir. Sa bouche entrouverte laissait voir des canines pointues, reluisantes de sang.

-Et là j’ai si soif, Kyle, fit-elle doucement, en s’approchant petit à petit de lui. J’ai tellement soif… C’est une torture qui ne veut plus partir. J’ai beau vider l’eau du motel, mon ventre se tord et je vomis tout par terre, et j’ai l’impression que…

Ses ongles lui agrippèrent le poignet et s’enfoncèrent dans sa peau, durs et longs comme elle ne les avait jamais eus, pesant et pesant sur sa chaire jusqu’à la déchirer. Kyle inspira de douleur, le corps rigide face à son amie qui s’emparait délicatement de son bras pour l’approcher de sa bouche, le regard fixé sur la trainée de sang qui en dégoulinait.

-Maeila, dit la voix d’Abby quelque part au-dessus de leur tête. Maeila, arrête!

Deux mains s’abattirent sur les épaules de Maeila et la retirèrent du corps de Kyle avec force. Abby la retint par les poignets alors qu’elle se débattait furieusement un bref instant, hissant méchamment contre Kyle qui ne bougeait toujours pas, étendu au sol, la main parsemée de sang.

- Bordel Kyle, pourquoi tu l’as pas arrêtée?!, s’exclama Abby. Elle allait…

La blonde ne termina pas sa phrase. Les lèvres serrées, elle tentait de combattre une nouvelle rage de larmes. Maeila s’était laissée retomber avec mollesse entre ses bras, le visage caché par sa longue frange. Ses épaules, ses bras et ses mains tremblaient inlassablement. Kyle avait un poids sur le ventre et quelque chose qui lui bloquait la trachée, lui coupait les cordes vocales. L’odeur du sang lui montait au nez, sa propre odeur, métallique et salée. Maeila tremblait et tremblait et tremblait, et il aurait dû se lever pour aller bander sa blessure, mais il n’arrivait pas à se résoudre à faire un mouvement.

- Elle… elle ne t’a pas…
-Non, dit-il.
- Oh bon sang… qu’est-ce qu’on doit faire maintenant?

Sans répondre (qu’y avait-il à répondre d’ailleurs), Kyle se força à se redresser malgré la soudaine pesanteur logée dans ses muscles. Sa meilleure amie était toujours figée dans la poigne d’Abby, l’air d’un pantin désarticulé.

- Me laisser crever j’imagine, dit Maeila, sans relever la tête, la voix distordue d’un rire amer. Je suis devenue un monstre. Il n’y a plus grand-chose à faire.

La déclaration tomba comme une enclume. Abby hoqueta de désespoir.

- Tu ne peux pas dire un truc pareil Maé, fit-elle précipitamment. On va trouver une solution, c’est vivable, y’a des tas de…
- Vampires? Oui Abby, il y en a des tas et comme tu peux le voir, ils tentent généralement de bouffer les gens.
- Arrête, toi, tu…
- Je viens d’essayer d’attaquer Kyle. Kyle.

Abby se tut. Il n’y avait rien –rien du tout, rien à dire, rien à faire, rien.

Kyle aurait voulu renverser le monde en cet instant, soulever les océans et creuser la terre, hurler à la lune, à ses frères et sœurs tout son désespoir. Il aurait voulu reculer le temps et faire de Maeila l’une des leurs pour que jamais elle ne puisse devenir cette autre chose monstrueuse. Il aurait voulu se recroqueviller en boule contre Maeila et pleurer de tout son soul, il aurait voulu lui crier comme un enfant : « ne m’abandonne pas ».

Mais il ne pouvait pas. Il était coincé dans un petit motel miteux de Miami à des kilomètres de chez lui, avec sa meilleure amie nouvellement transformée en vampire qui venait tout juste d’essayer de le saigner à son tour. Il n’y avait rien à faire.

- Je… je vais appeler la meute, déclara Abby avec hésitation. Je pense qu’on va être coincés ici un petit moment alors il faudra… s’organiser…
- Vous allez installer des tours de garde?, lança amèrement Maeila.

Enfin relâchée, elle s’était assise sur le lit, paraissant à peine substantielle dans le tracé de la pénombre. Le blanc de ses yeux scintillait.

-On fera ce qu’on doit faire, répondit simplement Abby, la gorge nouée.

-

Dans le salon de la demeure d’Amadriel, la meute se tenait en cercle autour des nombreux fauteuils et canapés. La pièce n’était plus qu’un amoncellement de figures sombres, avec Alisey dressée en son centre irradiant d’une lente et terrible colère. Elle parla et contre les murs silencieux, sa voix retentit comme le grondement annonciateur de l’orage prochain.

- Darren a vu juste. C’est un message. Et un message comme ça ne peut pas être laissé sans réponse.

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Bones
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MessageSujet: Re: Bloody Hell   Bloody Hell Icon_minitimeJeu 4 Juil 2013 - 9:16

La musique résonnait faiblement dans le bar alors que les employés jetaient dehors les derniers ivrognes de la soirée. Affalé sur le comptoir, Ethan jeta un coup d’œil à l’horloge au-dessus de lui et constata qu’il était pratiquement trois heures du matin. Le soleil n’allait pas tarder à se lever. Avec une grimace, le jeune homme glissa en bas de son tabouret, puis il but cul-sec ce qui restait du verre qui traînait devant lui. Refoulant toujours cette envie meurtrière de chasser des victimes, Ethan s’était contenté de boire tout ce qui lui tombait sous la main sous forme de bouteille. L’alcool n’arrivait pas à remplacer la satiété que lui procurerait le sang, mais il préférait largement discuter avec le barman en buvant de la vodka plutôt que de lui arracher la jugulaire entre deux poubelles.

Ethan quitta avec lenteur le bar. Étant un vampire, il était biologiquement impossible pour lui d’être ivre et, peu importe la quantité d’alcool que le jeune homme ingérait, il arrivait toujours à marcher droit devant lui en quittant les brasseries qu’il fréquentait. C’était d’un ennui mortel. Plus de lendemain de veille, plus de gueule de bois, mais plus jamais cette sensation de légèreté et de chaleur. Plus rien du tout. C’était ça, la vie de vampire. Un grand vide qui durait à l’infini. Bien sûr, en s’abreuvant de sang, les choses devenaient plus intéressantes, mais l’idée de sucer la vie hors de quelqu’un répugnait Ethan. Il en voulait à Jean d’en avoir fait autant avec lui.

Jean qui était disparu sans explication. Il l’avait mordu et puis tout c’était terminé. Il avait laissé Ethan dans le néant le plus total, en pleine crise existentielle. Il l’avait tué sans lui expliquer comment cette nouvelle vie fonctionnait. Heureusement, les nouveaux vampires ne restaient jamais seuls bien longtemps. La Veine était à l’affut pour repérer les mordus et leur donner le manuel du vampire 101. Ne te montre jamais au soleil. Ne reste jamais longtemps au même endroit. Ne tue pas les célébrités. Trois règles bien simples qui étaient la clé pour éviter d’avoir des ennuis. En ce qui concernait Ethan, il avait eu quelques moments de faiblesse, mais il ne s’attaquait pratiquement jamais aux humains. Il volait des sacs dans des banques de sang (elles servaient en partie à ça après tout) et c’était tout ce dont il avait besoin. Il avait adopté la Veine, socialisait avec d’autres vampires et passait le reste de son temps à boire. C’était sa façon de rester humain. Fêter insouciamment avec une tonne d’inconnus. Tant que personne ne l’approchait trop, ça lui suffisait, ce faible fantôme de sa vie.

Ethan leva les yeux vers la lune et s’aperçut que celle-ci descendait dangereusement. S’il ne regagnait pas bientôt le logement qu’il louait, il allait partir en fumée. Il allait devoir couper à travers le boisé pour économiser du temps. S’élançant vers la forêt, Ethan songea nostalgiquement à la Veine. C’était tellement plus simple de vivre en société, à l’abri dans le métro, mais c’était également effroyablement insupportable depuis le retour de Nolan et Lê Thu. Ethan ne savait pas pour combien de temps le duo comptait rester à New York, mais le jeune homme n’arrivait pas à se tenir dans la même pièce qu’eux. Ils devaient bien avoir fait saigner des milliers de personnes depuis ces deux siècles… Ethan n’osait même pas imaginer le nombre de personnes qu’ils avaient transformées.

Une drôle d’odeur vint aux narines du jeune vampire. Perplexe, il s’arrêta pour humer l’air. Il n’avait jamais rien senti de tel. Bien sûr, c’était sa première sortie en solo depuis qu’il avait été mordu et étant donné que la Veine n’était fréquentée que par des vampires (et quelques humains qui ne restaient pas vivants très longtemps), Ethan n’avait jamais senti d’autres créatures. Les autres lui avaient raconté des tas d’histoires, il ignorait s’ils se moquaient de sa gueule ou non, mais l’existence de sorcières, fantômes et autres esprits lui semblaient probables puisque lui-même existait. En fait, l’idée de croiser une autre créature surnaturelle excita le vampire et il fit un tour sur lui-même afin de trouver la source de l’odeur.

Des arbres. Des arbres à perte de vue. Ethan soupira. Il se trouvait stupide d’avoir espéré croiser quelqu’un ici. Qui s’aventurerait dans un boisé en pleine nuit? L’autre créature l’avait probablement remarqué avant lui et devait avoir fui. Qui voudrait se frotter à un vampire, monstre nécessairement sanguinaire?

L’odeur le frappa en plein visage, la fragrance étant désormais beaucoup plus concentrée. Ethan plissa le nez, dégoûté. L’air puait le chien mouillé. L’odeur le prenait à la gorge, il avait l’impression d’avaler une éponge ayant servi à nettoyer une dizaine d’écuries souillées.

-Merde, c’est dégueulasse, souffla-t-il en portant une main à son nez.

Ethan jeta un regard autour de lui. Toujours rien en vue. Lentement, il se remit en marche sans cesser d’observer les alentours. Ses sens étaient en alerte, incluant son odorat pour le plus grand malheur du jeune homme. Quelle créature pouvait puer à ce point? Le chien mouillé… Peut-être s’agissait-il d’un loup-garou? Ethan s’arrêta à nouveau. Un loup-garou ici! Ça serait impossible, il était trop près de la population, les loups-garous ne s’aventuraient pas si près des villes.

Lydia lui avait raconté des histoires inquiétantes à leur sujet. Une morsure de ces bêtes n’était pas suffisante pour tuer un vampire, mais elle laissait des dommages considérables et était extrêmement douloureuse. Plusieurs vampires possédaient des cicatrices témoignant de ces attaques, et ces blessures ne disparaissaient jamais complètement. Ethan n’imaginait pas à quel point mourir sous les dents d’un loup devait être atroce.

Un faible grognement fit sursauter Ethan. Il fit volte-face, maintenant convaincu que le boisé débordait de loups-garous affamés. Il n’était pas de taille à affronter une meute, pas de taille à affronter personne! Bon sang, qu’est-ce qui lui avait pris de quitter la Veine… Là-bas au moins, il aurait eu l’aide des autres. Reculant doucement d’un pas, Ethan scruta les arbres avec attention en quête du moindre mouvement. La forêt semblait calme, sans risque, mais Ethan ne savait que trop bien comment les créatures surnaturelles pouvaient parvenir à se fondre dans le décor. Un craquement quelques centaines de mètres plus loin lui fit tourner la tête et il aperçut une silhouette sombre.

Le garçon était seul. Certes, sa carrure était plutôt imposante, mais Ethan pensait bien pouvoir le battre à la course s’il n’arrivait pas à égaler sa force. L’inconnu marchait doucement dans sa direction, les bras levés en signe de paix. Ethan le dévisagea quelques secondes avant de lui tourner dos pour piquer un sprint. Il fut stoppé dans son élan en apercevant une fille devant lui, à quelques arbres de là. Bon, ils n’étaient que deux… pour l’instant. Pas question de se faire faire la peau par une bande de chiots. Il devait dégager au plus vite avant que tout ne dégénère. Peut-être s’était-il aventuré sur un territoire réservé aux loups sans le savoir? Depuis quand y avait-il des territoires exclusifs aux créatures!

Sans se poser davantage de questions, Ethan changea de direction et prit les jambes à son cou. Il entendit aussitôt qu’on le prenait en chasse. Mais qu’est-ce qu’ils me veulent bon sang. C’est pas possible… Ethan n’eut pas le temps d’avancer davantage sa réflexion, il fut violemment plaqué au sol par deux fortes pattes. Lâchant un cri aigu, le jeune homme repoussa l’énorme loup brun-roux qui venait de lui sauter sur le torse. L’animal gronda, énervé, mais ne l’attaqua pas. Sur ses gardes, Ethan s’éloigna du loup en décrivant un cercle. Un regard au-dessus de son épaule lui confirma ce qu’il craignait : les autres s’approchaient. Et ils avaient été rejoints par une autre de leurs amis.

-C’est pas vrai, souffla Ethan. Je vais pas mourir comme ça…

Le loup devant lui fit claquer ses dents bruyamment en émettant ce qui semblait être un ricanement. Et voilà qu’il se faisait railler par un chien. Non mais. Ethan tendit un doigt vers le connard en continuant de reculer.

-Toi, la ferme. Je sais pas ce que vous me voulez, mais j’en ai rien à foutre et si vous essayez de me faire quoi que ce soit, je vais…

Il buta contre un mur de roc. Levant la tête, il aperçut le garçon qu’il avait vu au départ. Ce dernier le dévisageait avec un sérieux imperturbable. Derrière lui se trouvait deux filles toutes aussi intimidantes : l’une dont le regard compensait pour la grandeur, l’autre dont l’allure générale était plutôt… respectable. Et tous sentaient autant le chien mouillé.

-J’avais dit qu’on allait le prendre par surprise, siffla sèchement la voix de la petite femme.

Le loup geignit en un faible aboiement.

-J’en ai rien à foutre si tu t’emmerdes Cinnamon. Compte-toi chanceux que je t’aie amené ici, j’aurais pu te mettre en garde à la maison avec les autres.

« Cinnamon » souffla bruyamment. Ethan suivit l’échange avec consternation. Pourquoi l’avaient-ils pourchassé si c’était pour l’ignorer royalement par la suite? Ethan esquissa un mouvement pour s’éloigner du groupe, mais le grand homme le retint avec une poigne de fer. Le vampire le repoussa brutalement, mais l’autre recula à peine de quelques pas. Par contre, la deuxième fille s’empressa d’emprisonner Ethan dans une position inconfortable, face contre terre.

-Aïe, bordel!
-Ne t’avise pas de faire du mal à un seul d’entre nous, l’avertit la fille.
-Beth, c’est moi qui parle avec le suspect.

La dénommée acquiesça d’un signe de tête alors que la chef du groupe s’avançait avec lenteur et posait un genou près du visage d’Ethan.

-Alors comme ça, on a un suceur de sang qui se balade aux petites heures du matin, seul. Ça s’annonce mal pour toi.
-Qu’est-ce que vous me voulez? demanda Ethan, la bouche écrasée par l’avant-bras de Beth.
-On a quelques questions à te poser, déclara la naine. Si tu nous donnes ce qu’on veut, on te laissera en vie. J’te garantis pas que tu seras capable de marcher, mais bon. Les vampires guérissent vite à ce que j’ai entendu.

Le loup émit un aboiement amusé.

-Darren, amène-le avec Beth jusqu’à la cabine. Ça serait dommage que notre invité devienne un barbecue, marmonna la fille en levant les yeux vers le ciel rose.

-

Ethan était assis sur une vulgaire chaise de bois au centre d’une minuscule cabine de chasseur. Celle-ci semblait inoccupée depuis plusieurs années vu son piètre état et la quantité d’araignées qui y avaient élu domicile. De la poussière flottait dans l’air en une couche grisâtre qui tachait la vision du vampire. Ce dernier n’avait pas les mains liées, n’était retenu en aucune façon sur son siège. Malgré tout, le jeune homme était extrêmement tendu. Le soleil était désormais levé, un rayon lumineux se faufilait entre les planches de bois de la fenêtre condamnée, s’écrasant à quelques centimètres des pieds du vampire. Derrière lui se trouvait Beth, Darren et Cinnamon (celui-ci ayant retrouvé une taille normale) tandis que la chef, que Cinnamon avait fini par nommer Alisey, se tenait devant Ethan, les bras croisés. Ses yeux bouillonnaient de colère.

-Je vous jure, je suis venu ici seul, répéta à nouveau le vampire, les yeux rivés sur le rayon qui continuait à s’approcher de ses orteils.
-Je pense qu’il dit la vérité Alisey, intervint finalement Darren, d’une voix grave.
-Ouais, j’ai cru comprendre à force de l’entendre brailler, rétorqua la fille avec dureté. Ça n’empêche pas qu’il en connaisse d’autres dans le coin.
-Personne, y a personne, balbutia Ethan. Je suis tout seul ici, je vous le jure bordel… Pourquoi vous faites ça, j’ai rien foutu merde… Je vous ai rien fait du tout, j’ai jamais fait de mal à qui que ce soit… Laissez-moi partir…
-Oh, il fallait le dire! s’exclama Alisey. Pardonnez-moi Monsieur le vampire, je ne sais pas ce qui m’a pris d’assumer que vous étiez un tueur, continua-t-elle en ouvrant la porte. Allez, sors pauv’ con. Si t’as envie de devenir un feu de camp.
-J’ai apporté des guimauves, fit Cinnamon.
-Assaisonnées à l’ail, j’espère? s’enquit Beth.
-Comme tu les aimes. On a de l’eau bénite aussi pour ceux qui ont soif.

Ethan secoua lentement la tête, les larmes aux yeux.

-Vous êtes des monstres, souffla-t-il, les dents serrées.
-Nous, des monstres? reprit Alisey en refermant brutalement la porte. On doit bien être les seuls monstres qui ne s’attaquent pas aux humains. Les vampires par contre, eux, ils sont reconnus pour être des fauteurs de trouble. C’est quoi ton nom?

Le jeune homme resta silencieux.

-Ton nom, putain, c’est pas compliqué! s’énerva Alisey en s’appuyant contre la chaise, encadrant le vampire entre ses bras.
-E… Ethan.
-Tu savais que les loups-garous existaient Ethan?

Il se contenta d’hocher la tête.

-Donc tu dois savoir que les loups-garous font rarement amis-amis avec vous.

Nouveau hochement.

-Et pourtant, je ne me souviens pas avoir entendu parler de massacre de vampires par des loups et vice versa depuis… eh bien, une vingtaine d’années, non? fit Alisey en jetant un regard à ses compagnons.
-Dix-sept, précisa Beth.
-Tu sais pourquoi il n’y pas d’attaques de ce genre Ethan? poursuivit Alisey.
-Non.
-Les loups-garous ont fait un pacte avec les vampires pour éviter l’extinction. On ne vous attaque pas tant que vous nous laissez tranquilles, c’est le marché. Maintenant, tu dois te demander pourquoi on t’a amené ici. Pourquoi on t’a attaqué. Ça serait stupide de briser ce pacte pour quelques questions, pas vrai?
-Je dirais que vous êtes stupides peu importe ce que vous faites, répliqua Ethan.
-Ha, trop drôle. Moi aussi, je fais des blagues, s’agita Cinnamon en quittant la pénombre pour se placer aux côtés d’Alisey. Comment on appelle un vampire végétarien?
-Quelqu’un qui a une conscience, se risqua Ethan.
-Non. On ne l’appelle pas, on le tue.

Cinnamon éclata bruyamment de rire, puis il regagna sa place en tapotant l’épaule d’Ethan au passage. Alisey leva les yeux au ciel avant de reprendre la parole.

-Ce que Cinnamon essaie de dire, c’est qu’on s’en fiche que tu boives du sang ou non. Si t’es un vampire, c’est que t’en as bu une fois et c’est suffisant pour qu’on te déteste jusqu’à la fin de tes jours, expliqua brièvement Alisey. Bref, ce que je disais avant que Cinnamon décide de faire le con encore, c’est que les vampires ont brisé le pacte. Ou du moins, sont sur le point de le faire.

Ethan fronça les sourcils.

-Quoi? Comment?
-Un de vous, un foutu suceur de sang, a transformé une des nôtres, déclara Alisey Elle ne faisait pas partie de la meute, mais elle était suffisamment proche de nous pour qu’on comprenne que les vampires nous envoient un message. Et maintenant, on a besoin de toi pour savoir ce que ce crétin nous veut, résuma la jeune femme.
-Moi? Mais comment je suis censé savoir qui a fait ça! s’exaspéra Ethan.
-T’as pas de psychopathes dans ton cercle de copains? l’interrogea Alisey. Tu appartiens à aucune société?

Ethan eut un air interdit. Il ne pouvait tout de même pas mentionner la Veine. Les loups pourraient trouver le Nid et ils débarqueraient en plein jour pour attaquer les vampires. Alisey remarqua aussitôt son hésitation.

-Alors tu vis en communauté. C’est près d’ici?
-Je suis en solo, mentit Ethan. Ça fait longtemps que je suis transformé, j’ai pas besoin de voir d’autres vampires. J’en ai assez de moi-même.

Alisey eut un rire sec.

-Oh ouais, on a clairement affaire à un vétéran. T’étais même pas au courant du pacte crétin.

Merde.

-C’est près d’ici? répéta durement Alisey en s’approchant.
-Pourquoi je vous le dirais?
-J’ai juré à ma meute que j’allais retrouver le salaud pour lui faire payer. Et je tiens toujours mes promesses alors me fais pas chier avec tes airs de « je suis un vampire et je vous emmerde ».

Alisey se tut et attendit une réponse. Ethan se contenta de la défier du regard, fidèle au Nid et à son anonymat. L’Alpha cligna lentement des yeux, puis elle tira brutalement la chaise vers elle, exposant ainsi les jambes du vampire au soleil. Ethan déglutit alors que sa peau se mettait doucement à picoter.

-Saignant ou medium? demanda Alisey à mi-voix.
-Je les aime extra-cuits, répliqua Cinnamon.

Ethan voulut se lever, mais deux mains s’abattirent sur ses épaules.

-Tu devrais parler tout de suite avant que les dommages deviennent irréparables, lui conseilla la voix de Darren au-dessus de lui.
-Vous avez pas le droit de faire ça, marmonna Ethan. Vous brisez le pacte.
-Il n’y a plus de pacte! s’écria Alisey, furieuse. Vous l’avez brisé bande de cons! Vous avez mordu une des nôtres et maintenant, si tu ne veux pas qu’on déclare la guerre à tous tes petits amis et qu’on vous chasse tous un par un, tu ferais mieux de nous dire qui l’a transformée!

Voyant qu’Ethan ne répondait toujours pas, Alisey jeta un regard à Cinnamon.

-Elle est où l’eau bénite?
-Holy water, coming right up!
-Okay, okay! commença Ethan, paniqué. Tirez la chaise à l’ombre et je vais parler!
-Si je t’enlève du soleil, tu vas recommencer à me faire chier, alors non.
-Alors je te ferai chier au soleil.

Alisey se redressa et fit un pas en direction de la fenêtre.

-Darren, pourrais-tu arracher les planches? Il ne fait pas assez clair ici.
-Non, attendez! cria Ethan en sentant les mains de Darren desserrer leur prise. Oui, je suis en contact avec d’autres vampires, mais je ne connais personne qui puisse avoir fait ça à votre ami, okay? bégaya-t-il précipitamment. Je… Bon sang, j’essaie juste de rester un peu normal dans ce monde de fous. J’ai rien avoir avec votre histoire…
-Je m’en fous, l’interrompit Alisey. Les « autres vampires », ils savent que tu es ici?
-Non. Ils savent que je suis parti et que je reviendrai bientôt, mais ils ne savent pas où je suis allé.
-Dommage. Personne à ta rescousse, commenta Cinnamon.
-J’ai pas besoin de personne pour me sauver, je peux le faire tout seul, rétorqua Ethan. C’est pas quatre p’tits chiots qui me font peur.
-Chiots? Non mais tu m’as pas vu tout à l’heure? fit Cinnamon en s’approchant à nouveau. T’as pas vu à quel point je suis géant, magnifique et majestueux? Lui, je peux comprendre, admit le jeune homme en pointant Darren. Mais moi, je suis un vrai mâle.
-Cinnamon, je t’ai dit de la fermer! aboya Alisey, énervée. Bon. Et ils sont où eux, s’ils ne sont pas avec toi? continua-t-elle en plongeant son regard dans celui d’Ethan.
-Je peux pas vous le dire, vous allez attaquer la base sinon.

Alisey fit un signe à Darren. Ce dernier alla promptement retirer les planches qui barricadaient la fenêtre. Dès que la première fut enlevée, un flot de lumière envahit la pièce. Ethan se cabra en sentant le soleil sur son visage.

-Alors, ils sont où?
-Je vous le dirai pas, répliqua Ethan, catégorique.
-Enlève tout Darren. Beth, passe-moi l’eau.
-Vous savez que l’eau bénite n’est même pas si douloureuse que ça…

À peine le jeune homme eut-il le temps de terminer sa phrase qu’il fut aspergé d’eau fraîche. Combinée avec la brûlure du soleil, la sensation arracha un gémissement à Ethan.

-Ouais, je sais, soupira Alisey. C’est comme de l’huile. Tout seul, ça fout rien, mais quand on le chauffe, ça devient plus dangereux.
-Ça commence à sentir le rôti…

Effectivement, la peau d’Ethan commençait à fumer. Et la douleur devenait de plus en plus intolérable.

-New York… Ils sont à New York…
-Ah, la grosse pomme, fit Cinnamon.
-Foutus snobs, bien sûr qu’ils sont là-bas, maugréa Alisey. Où précisément? Queens, Brooklyn, Bronx, Manhattan?
-Je peux pas le dire, souffla Ethan, au bord des larmes. Je peux pas les trahir…
-On ne leur fera pas de mal, le rassura Beth. On va s’en prendre qu’à celui qui le mérite. S’il n’est pas là-bas, on ira ailleurs.

Ethan ne put réprimer un cri de douleur. Sa peau était à vif malgré les vêtements qu’il portait. L’eau bénite coulait sous son linge et brûlait tout ce qui avait été épargné par les rayons.

-Bon, il va falloir utiliser les grands moyens, s’impatienta Alisey. Cinnamon, retransforme-toi.
-Oh yeah!
-Le métro.

Alisey fit signe à Cinnamon de rester immobile.

-Quoi?
-Le métro, répéta Ethan. Ils sont dans le métro, c’est tout ce que je peux vous dire. Maintenant, laissez-moi partir, je vous en prie…
-Combien de vampires y a-t-il là-bas?
-Suffisamment pour tuer toute votre meute sans problème, articula le jeune brun dans un râle.

Alisey ne bougea pas d’un poil pendant un long moment, fixant Ethan dans les yeux.

-Bloque les fenêtres, ordonna-t-elle à Darren en poussant la chaise.

Celle-ci tomba à la renverse et Ethan se recroquevilla aussitôt sur lui-même, le corps tremblant. Cinnamon soupira, déçu de ne pas avoir pu se changer en loup, mais il n’émit pas le moindre commentaire. Alors qu’Alisey se tournait vers les autres pour discuter,  Ethan se releva péniblement en prenant soin de ne pas trop s’appuyer sur ses paumes endolories.

-Le métro de New York. C’est beaucoup trop loin… On ne peut pas quitter la meute aussi longtemps, il va falloir retourner à la maison avant d’aller y jeter un coup d’œil, déclara Alisey.
-Et celui qui a transformé Maeila? répliqua Beth. Plus on attend, plus on a de risque de perdre sa trace!
-On n’a aucune trace de lui, lui fit remarquer sèchement sa chef. Ça ne sert à rien de se promener sans avoir de visage à rechercher. Il faut interroger d’autres vampires plus âgés. Celui-là ne sait pas qui sont les fous de son époque… À New York, on en trouvera avec plus d’expérience. Si ça se trouve, le salaud est peut-être là.
-Kyle voudra sûrement être de la partie, renchérit Darren. Vaut mieux attendre qu’il revienne avec Maeila avant de lancer des recherches plus sérieuses.
-Exactement.

Ethan s’éclaircit maladroitement la gorge. Alisey lui jeta un regard énervé.

-T’es encore ici toi? fit-elle. La porte est déverrouillée. T’as pas besoin de notre bénédiction pour partir. Fous le camp.
-En plein soleil? souligna Ethan.
-Ça fait dix minutes qu’on te fait griller. Quelques minutes de plus te tuera pas, marmonna Alisey en se retournant vers ses compagnons.

Le vampire n’insista pas. Le plus vite il déguerpissait, le mieux ça serait. Il boita jusqu’à la porte avec maladresse, puis il posa une main sur la poignée. Délicatement, il ouvrit la porte et se recula aussitôt dans l’ombre. Bon sang, la prochaine heure allait être pénible… Prenant son courage à deux mains, il se risqua à sortir à l’extérieur. Une douleur atroce lui vrilla aussitôt toute la surface de son corps, enfonçant milles rayons pointus dans ses organes, ses os, ses muscles…

Alors qu’il rassemblait ses forces pour piquer un sprint final, Ethan entendit les loups se remettre à discuter.

-Alors, on le laisse simplement partir comme ça? s’étonna Cinnamon. Il n’aura pratiquement aucune cicatrice demain. Les autres ne sauront même pas qu’on l’a interrogé. Je croyais qu’il fallait répondre au message lancé.
-C’est ce qu’on fait, répliqua Alisey.
-En le laissant partir en un seul morceau!
-Cinnamon, si t’arrêtais un peu de parler avec ta grande gueule, peut-être que tu comprendrais quelque chose. Je t’ai dit de te transformer tout à l’heure. Qu’est-ce que t’attends? Que les Hunters trouvent notre trace? … Ne le tue pas hein. Si on veut que notre message passe, faut qu’il soit en vie.
-Pas de problème, répondit Cinnamon, d’un ton plus grave qu’habituellement

Le souffle d’Ethan s’accéléra. Il devait dégager au plus vite. Le vampire se mit à courir du plus vite qu’il put, mais le soleil sapait toutes ses forces. Il entendit la porte de la cabine voler aux éclats, il entendit les brindilles craquer sous les pattes du loup brun-roux, il sentit les dents s’enfoncer dans sa chair.
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Kyle

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MessageSujet: Re: Bloody Hell   Bloody Hell Icon_minitimeMer 21 Aoû 2013 - 22:19

Les portes du compartiment de métro s’ouvrirent en grinçant. Dans le terminus abandonné, les vampires présents tournèrent d’un même mouvement leur attention vers les nouveaux arrivants. Le premier, un grand homme blond, s’avança à l’intérieur de la Veine, maintenant d’un bras sur l’épaule le second qui trainait des pieds, l’air extrêmement mal en point, la tête penchée, le menton contre sa poitrine. Leur apparition sema un certain émoi dans le Nid : des chuchotements s’élevèrent de part et d’autre des petits groupes rassemblés, quelques-uns se rapprochèrent avec curiosité et la plupart reculèrent aussitôt en inspirant l’odeur répugnante qui se dégageait du vampire inconscient. Une plainte déchirante trancha l’air.

- Ethan!  

Les vampires s’écartèrent pour laisser passer la silhouette précipitée de Kelly. Elle s’arrêta aux côtés d’Ethan sans prêter attention à celui qui l’accompagnait, puis s’agenouilla à demi pour voir son visage reluisant de sueur. Sa peau était rougeâtre, comme légèrement brûlée. Il avait passé un sale temps sous le soleil, pas assez long, heureusement, pour le calciner en entier. Un hoquet d’effroi la traversa lorsqu’elle s’aperçut du pansement de fortune sanguinolent qui couvrait le haut de son flanc gauche. Il n’y avait aucun doute sur le type de plaie qu’il camouflait. Tout le corps d’Ethan puait le loup-garou, mais la blessure était écoeurante; c’était une morsure de loup, un véritable poison pour vampire.

- Hey Kelly, la salua Jean au même moment avec un sourire cynique. Ça fait un bail, dis donc. Toujours dans les poches de Bones?
- Va te faire foutre, Leclerc,  siffla Kelly, les yeux brûlants de larmes. Qu’est-ce que t’as fichu avec lui pour qu’il se retrouve dans cet état?
- C’est de ma faute maintenant?  J’ai l’air de m’être transformé en loup-garou? J’te signale que c’est moi qui viens de le ramener au bercail, c’est un bien piètre plan si mon but était de lui faire volontairement du mal.

Kelly se redressa, l’air dévastée, peu encline à avaler les paroles que lui servaient l’autre. Debout sur ses talons, elle pouvait pratiquement le regarder dans les yeux pour lui cracher une vieille hargne au visage.

- Tu disparais pendant plus d’une année pour revenir avec Ethan sur les bras comme ça et tu penses pouvoir t’en tirer comme de rien? Tu lui as fait ça une fois déjà et regarde comment ça s’est fini!
- Une transformation n’est pas une demande en mariage, répliqua Jean, cruellement. Il y en a toujours qui n’arrive pas à comprendre.

La réplique visait là où la douleur était la plus à vif et il le faisait en parfaite connaissance de cause. Rageusement, Kelly essuya ses joues humides, la gorge nouée de mots qu’elle n’arrivait pas à prononcer. Puis, une voix ferme retentit d’en haut.

- Pas un mariage non, mais ça s’appelle tout de même « prendre ses responsabilités ».

Lydia, qui se tenait sur la passerelle surplombant les rails, sauta par-dessus et atterrit souplement sur le quai, face aux trois vampires. Elle déplia son long corps, placarda Jean d’un regard impassible.

- Et tout le monde sait ici que tu es loin d’être le meilleur à ce sujet.
- Lydia, charmante rencontre, répondit Jean, le ton sarcastique. Moi qui croyais faire une bonne action en ramenant ce pauvre Ethan à la Veine et voilà que je me fais tomber dessus en guise de bonjour.

Lydia soupira, choisissant toutefois de ne pas poursuivre la discussion en ce sens avec l’autre vampire. C’était inutile et il y avait des affaires plus pressantes que de se satisfaire les besoins égocentriques d’un idiot. Au mieux, Jean était un pur opportuniste. Il apparaissait lorsque ça lui chantait et très rarement n’avait-il aucune raison en tête. Cette fois encore, il n’était certainement pas là par hasard, d’autant plus qu’il avait pris la peine de se trimballer un Ethan écoeurant et agonisant jusqu’à eux. Ethan, mordu par un loup-garou. Lydia redoutait déjà les explications de Jean; les choses allaient sans aucun doute se compliquer et Legan en deviendrait d’autant plus insupportable.

-Ethan a besoin de soin, il faut l’amener à Faëlle, signifia alors Lydia.

Trainée au Nid par la force quelques années plus tôt, Faëlle était une jeune humaine, la seule « permanente » du terminus. Elle se tenait sous la protection d’Ariel, un vampire suffisamment puissant pour garder les autres à distance de celle-ci. Au mieux, elle était sa protégée, en réalité, elle était tout simplement une prisonnière. Si quiconque avait le malheur de la relâcher, elle aurait tôt fait de retrouver ses frères chasseurs qui viendraient alors assiéger le Nid. Elle devait se compter très chanceuse dans son malheur malgré tout, pensait Lydia, d’être autorisée à survivre ainsi parmi eux. Avec le temps, plusieurs vampires avaient pris l’habitude de lui refiler les autres humains du Nid, ceux qui ne servaient réellement que de « partenaires temporaires » (des garde-mangers, plutôt), pour qu’elle leur administre les soins maison qu’elle savait si bien faire.

- Puisque tu sembles si soucieuse, tiens Kelly, à toi de le prendre, fit Jean en lui déchargeant Ethan dans les bras. Moi j’ai assez respiré son odeur comme ça en l’amenant ici. De toute façon, il faut que je parle à Legan.

Avec un salut ironique de son chapeau, Jean planta les deux femmes là et disparut entre les groupes de vampires. Lydia roula des yeux, irritée, avant de se tourner vers Kelly. Cette dernière secoua la tête et s’empressa de se volatiliser à son tour à la recherche de l’humaine. Visiblement, elle ne voulait plus rien dire sur le sujet; elle avait suffisamment tiré la paille la plus courte au cours de son existence pour en avoir par-dessus la tête des salauds dans le genre. Aussi, Lydia savait bien que l’inquiétude que Kelly nourrissait à l’égard d’Ethan était grande, elle qui se sentait proche du jeune vampire d’une façon qu’elle avait peu de fois connue. Ethan ne mourrait pas de ses plaies, mais il en porterait les marques et elles ne seraient pas jolies.  

Plus loin au fond du terminus, au milieu d’une sorte de salon improvisé, Jean avait rejoint Legan qui se trouvait en pleine discussion avec Cameron. Le chef de la Veine jeta un regard à Lydia lorsqu’elle arriva à leur hauteur et fit signe à Cameron de cesser de parler. Celui-ci obéit, puis s’enfonça dans l’antique canapé en observant les trois autres vampires d’un air nerveux. Il avait probablement vu Ethan arriver et il commençait déjà à s’inquiéter des implications d’un vampire mordu par un loup-garou. En presque 170 ans d’existence, quelqu’un avait le temps de s’épuiser des guerres.

- Alors, Ethan…?, entama Legan.

Lydia hocha la tête, sa bouche tordue en une ligne dure.

- Salement amoché. Il a brûlé au soleil et on l’a mordu à pleine gueule.

Legan poussa un long soupir, avança son torse jusqu’à déposer les coudes sur ses genoux. Ses cheveux lui tombaient devant les yeux et il les dégagea en passant une main sur son visage. En des moments pareils, une lourde vieillesse semblait s’installer autour de Legan, la pesanteur d’une éternité forcée sur terre comme une enclume l’attirant vers le sol.

- Est-ce qu’il est conscient?
- Pas que je sache.
- Cameron, dit Legan. Va prévenir Faëlle que je veux parler à Ethan dès qu’il se réveillera. Je veux savoir exactement ce qu’il s’est passé.

Acquiesçant, Cameron se leva de sitôt et fila rejoindre l’humaine. D’ordinaire, il aurait protesté de rater une part des explications au profit de jouer le rôle du messager, mais cette fois, Legan avait une expression qui ne se questionnait pas, le visage dur et lisse comme du marbre.

- Je l’ai trouvé à la frontière entre le Dakota du Sud et le Montana, déclara Jean. Pratiquement en train de crever, sans même plus de force pour se cacher du soleil. Je l’ai trainé dans un sous-sol et on y a passé les dernières heures du jour. Il a repris conscience deux ou trois fois, mais j’ai rien pu en tirer.

Legan, qui regardait au sol, releva brusquement la tête, interloqué.

-À la frontière du Montana? Qu’est-ce qu’il fichait aussi près du territoire des loups?
- Laisse-moi deviner, siffla Lydia, glacée. Il l’ignorait.

Jean poussa une expiration ennuyée et renvoya son visage vers l’arrière pour éviter les deux regards noirs que les vampires plus âgés lui adressèrent.

- Et après? J’suis pas la mère de personne moi, grommela-t-il avec irritation. Le réseau de la Veine comprend plus d’une cinquantaine de vampires, me dîtes pas qu’Ethan est incapable de se trouver quelqu’un d’autre pour l’aider.
- Tu sais bien que ce n’est pas la même chose, rétorqua durement Lydia. Tu es celui qui l’a transformé, c’est normal qu’il recherche ton support.  
- Des stupidités. Les vampires ne forment pas un « pack » - ou qu’importe la façon dont ces bâtards de chiens veulent appeler leur bande- et il n’y a rien qui nous oblige à faire quoique ce soit, alors laissez-moi être mort en paix.
- C’est ça, et après tu viens nous raconter que tu es tombé « par hasard » sur le corps agonisant d’Ethan, je me trompe?

L’air mauvais, Jean sourit en réponse, dévoilant de larges canines pointues qui n’avaient rien pour impressionner Lydia. S’il voulait jouer à une guerre d’intimidation, elle pouvait garantir sa rapide et cuisante défaite. Jean était vieux et vicieux, mais Lydia l’était encore plus.

- Ça suffit, coupa Legan avant que la prochaine réplique de Jean ne mette réellement les feux aux poudres. Ce n’est pas le moment, je vous signale. Alors, tu dis qu’il se trouvait à la frontière…
- Ça ne veut peut-être rien dire alors?, avança Cameron, qui revenait vers eux, l’air timide d’oser se laisser aller à un peu d’espoir.

Cameron faisait partie de cette rare espèce de vampire qui conservait une certaine candeur de son humanité passée. Il avait longtemps rechigné à boire du sang, mais il avait fini après plusieurs dizaines d’années par craquer comme tous les autres. Un régime fondé sur du sang animal n’était bon à rien à long terme. Il ne faisait que frustrer le vampire et le rendre encore plus assoiffé pour les veines d’un humain, et la motivation d’un vampire dit « végétarien » finissait généralement par fondre dans une terrible orgie de sang. C’était Legan qui avait trouvé Cameron après son délire affamé, ayant suivi une trainée de cadavres massacrés et à moitié vidés. De toute évidence, Lydia ne doutait pas qu’une chose semblable finirait par se produire avec Ethan. Par contre, elle ne pouvait pas blâmer Jean sur ce point, puisqu’il était extrêmement difficile de convaincre un nouveau vampire bloqué sur leurs anciennes valeurs humaines que leur régime « végétarien » leur était insuffisant. Leur conviction leur semblait forte, voire sans faille, mais l’effondrement arrivait toujours et de la façon la plus brutale qui soit.

- Peut-être qu’Ethan était juste au mauvais endroit au mauvais moment?, poursuivit Cameron, avant de se dégonfler en voyant Jean secouer la tête.
- Comment peux-tu en être sûr? Tu dis que tu n’as rien pu tirer d’Ethan, intervint Lydia à l’adresse du vampire blond.
- Je n’en suis pas entièrement sûr, fit alors Jean, la voix lente. Mais… Quand je l’ai trouvé, il était bien pire que ça, la morsure mise à part. Les brûlures paraissaient inégales, comme si certaines parties avaient été plus longtemps exposées que d’autres.  
- Torturé, dit Legan. Tu penses que des loups ont torturé Ethan.

Avec sérieux, Jean hocha la tête.

- Je ne sais pas s’il n’y avait qu’un seul loup ou plusieurs –plusieurs si vous voulez mon avis, parce que j’ose croire qu’Ethan se serait débattu s’il avait été face à un seul d’entre eux et donc, il aurait eu plus de marques sur le corps-, mais ils sont tombés sur lui et en ont profité. Ils cherchaient un vampire.
- Pourquoi?, souffla Cameron, effaré. Qu’est-ce que ça veut dire? Ils veulent notre peau?
- Ils ont toujours voulu notre peau, gronda Legan. Depuis le début des temps, ça n’arrête jamais. La meute du Montana est jeune et stupide, ce n’était qu’une question de temps pour que tout dérape.

Quelque chose clochait dans toute l’histoire, Lydia en était persuadée. Il manquait un élément, une raison pour laquelle les loups auraient ainsi brisé le pacte de non-agression. Legan disait juste; la meute du Montana était dirigée par des loups encore très jeunes, mais à sa connaissance, ils étaient aussi peu nombreux. C’était une bêtise s’engager contre l’un des plus importants nids de vampires des États-Unis. Peut-être n’avaient-ils tout simplement pas conscience de leurs actions, peut-être avaient-ils compris trop tard qu’Ethan était rattaché à la Veine.

- Lorsqu’on torture quelqu’un, c’est pour une raison, fit sombrement Jean, appuyant sans le savoir les doutes qui creusaient l’esprit de Lydia.
- Qu’est-ce que des loups voudraient bien avoir de nous?, demanda Cameron en l’air.

La seule réponse qu’il obtint fut la voix de Nina leur annonçant qu’Ethan avait repris conscience. Legan se leva d’un bond, suivi de près par les trois autres, et se dirigea rapidement vers l’autre extrémité du terminus qui avait été transformé en coin médical improvisé. En vérité, Ethan avait été simplement allongé sur un long canapé, Faëlle assise sur une chaise de plastique bleue située  à côté, un rouleau de pansement, des ciseaux et de l’alcool posés sur une petite table. Le visage pâle, elle tenait tout contre sa poitrine son poignet entouré de bandages. Elle avait dû se saigner pour redonner des forces à Ethan. Celui-ci avait les yeux grands ouverts, les pupilles entièrement dilatées et respirait fort, probablement drogué par l’odeur du sang qu’il venait d’avaler pour la première fois de son existence de vampire. À genoux tout près de lui, Ariel le maintenait en place par les épaules et lui chuchotait à l’oreille des mots pour le calmer de sa crise.

- Nina, est-ce que tu peux s’il te plait prendre Faëlle et l’éloigner d’ici?, finit par demander Ariel en voyant arriver les quatre vampires.

Sa sœur obtempéra, ravalant à son tour sa complainte d’être éloignée du centre de l’affaire après avoir observé  l’expression de Legan. Legan n’avait pas l’air du plus impressionnant des vampires, il ne possédait pas la carrure d’Adam ou la soif de sang de Nolan, mais il n’était certainement pas leur chef sans raison. Pour ce qu’il avait fait de sa vie, pour ce qu’il avait fait de la Veine, Lydia se battrait à ses côtés jusqu’à tomber en poussière sous le soleil.

- Ethan, commença Legan fermement. J’ai des questions à te poser, est-ce que tu es capable de me répondre?

Le jeune vampire prit une longue inspiration, son corps se soulevant en un arc net avant de retomber lourdement sur le canapé. Puis, lentement, il tourna son visage vers Legan, ses yeux larges et brillants au milieu de sa peau pâle. Il sourit un peu, les dents tachées de sang, son regard remontant quelque part au niveau de la poitrine de Jean.

- Alors ça, si j’avais su qu’il fallait presque je crève pour que tu te pointes à nouveau…
- Hello Ethan, ça baigne?

Le rire d’Ethan passa entre ses lèvres en un sifflement et il retourna sa tête vers le haut pour fixer le plafond. Calé au creux du vieux canapé brunâtre, il avait un air d’enfant réveillé de sa sieste.

- Ouais, je peux répondre, dit-il à Legan, la voix soudainement morne, épuisée.
- Qui t’a fait ça?
- Cadeau des loups.
- Des loups?
- Ils étaient quatre. Deux filles, deux garçons. Celui qui m’a fait ça avait le look typique du beau gosse salopard. Il se faisait appeler par un surnom stupide, Cinnamon.
- Pourquoi?
- La fille, leur chef, lui a ordonné. Elle a dit : «Si on veut que notre message passe, faut qu’il soit en vie », cita Ethan, les yeux toujours perdus dans le vague.

Legan s’accroupit à son niveau, croisa les mains sous son menton. Il avait les sourcils encore plus froncés, signaux d’une réflexion qui n’en finissait plus derrière sa tête.

- Tu t’es fait torturer?, demanda enfin Legan.
- Ouais. Ils m’ont coincé dans une cabane, ils me tenaient immobile avec le soleil. Et il m’ont jeté dehors après. Je serais sûrement mort si…

La voix d’Ethan se perdit au fond de sa gorge. Lydia jeta un coup d’œil à Jean, le voyant droit et rigide, le visage caché derrière la visière de son chapeau.

- Pourquoi ont-ils fait ça? Pourquoi nous envoyer un « message » de ce genre?

Legan avait visiblement autant de mal que Lydia et Jean à avaler le hasard de l’attitude provocatrice de la meute. Avec l’historique que celle-ci avait face à la guerre, c’était tout bonnement absurde.

- En fait. Ils ont dit qu’un des nôtres aurait mordu l’un des leurs, annonça Ethan. Ils ont dit que les vampires auraient brisé le pacte les premiers.

La déclaration jeta un nouveau poids sur le petit groupe. Si Ethan disait vrai, la situation se plaçait alors sous un tout autre angle. Il y aurait alors un fautif parmi eux. Sans même avoir à réfléchir, Lydia pouvait déjà semer le blâme sur plusieurs membres du nid, aussi l’idée restait très plausible. Elle sentait Legan s’agiter à ses côtés, convaincu qu’il manquait encore au récit, que ce n’était pas suffisant.  

- Qui? Est-ce que tu as des détails, des noms?
- Ça ne pourrait pas être qu’une bagarre entre un vampire et un loup?, s’enquit Cameron. Je veux dire. Il faut automatiquement que ça se transforme en guerre?
- Pas mordu en ce sens, mordu comme transformé, fit simplement Ethan, tout bas, comme répugné du mot lui-même.
- Impossible, un vampire ne peut pas transformer un loup-garou en le mordant, intervint Ariel, juste avant de réaliser, puis d’ajouter doucement : Ah, ce n’était pas un loup, c’était un humain.

Un ami des loups. Ils étaient rares et ils étaient précieux, dûment protégés par leur meute puisque généralement considérés « sans défense » à l’échelle des créatures surnaturelles. Les loups-garous étaient des amoureux d’une vie et s’ils tenaient à garder une personne près d’eux, ils la défendraient jusqu’au bout de la fin. S’attaquer à un ami des loups était un terrible affront. Le vampire qui l’avait transformé l’avait fait en pleine connaissance de cause, car l’odeur d’un humain proche des loups ne pouvait pas être confondue.    

- Ils ne veulent pas la guerre, poursuivit Ethan. Ils veulent le coupable. Ils disent que si on ne leur rend pas, là…
- Ce sera la guerre, conclut Ariel.
- Et… et ils savent où se trouve le Nid.

Le silence s’abattit sur le groupe de vampires suite à l’aveu. Nul doute que l’information s’était retrouvée entre les mains des loups à cause d’Ethan qui n’avait pu résister bien longtemps à la torture du soleil. Un frisson parcourut Lydia, feinte promesse des évènements qui s’annonçaient à l’horizon. Si les loups connaissaient leur emplacement, la situation se compliquait nettement. New York était reconnue comme une ville peuplée de vampires, comme toutes les immenses métropoles l’étaient d’ailleurs, mais la position du Nid restait un secret gardé. Le métro offrait une protection remarquable contre le soleil, certes, mais lorsque l’on arrivait à coincer les vampires dans leur nid, l’extinction était ensuite assez simple. Ils pourraient débarquer ici et tout exploser, tout brûler, pensa Lydia, pressentant en elle les relents d’une lente violence. Nous prendre au beau milieu du jour et tous nous massacrer. Si les loups se ramenaient ici, ils leur arracheraient la fourrure avec leurs crocs, les saigneraient jusqu’à ce qu’ils hurlent rouge.

Comme en réaction aux songes de Lydia, Legan se releva brusquement, les poings crispés, balayant l’ampleur du terminus de son regard. Depuis sa position tout près de lui, Lydia voyait ses iris reluire d’écarlate. Elle l’observa s’éloigner de leur groupe, puis prendre son élan et bondir, atterrissant sans mal sur la passerelle surplombant tout le Nid. Il se redressa de toute sa stature, silhouette terrible, rigide comme une tempête retenue, prête à éclater. Le chef de la Veine en colère, songea Lydia, alors que Jean était gagné d’un rictus. Il avait toujours adoré lorsque Legan pétait les plombs et Lydia devait avouer qu’elle savait aussi apprécier le spectacle.

- J’ai entendu dire, commença Legan d’une voix forte, amplifiée par l’écho du terminus jusqu’à en couvrir la majorité des bruits ambiants. Que l’un d’entre vous aurait mordu quelqu’un qu’il ne fallait pas.

Les vampires du Nid dirigèrent d’un même mouvement leur attention vers leur chef. D’abord silencieux, ils se mirent ensuite à chuchoter avec vigueur, un air curieux, dubitatif, voire effrayé posé sur Legan.

- Un humain qui ferait partie d’une meute de loups.

Une clameur gagna le Nid, la Veine toute entière semblant s’électrifier. Des cris commencèrent à fuser de part et d’autre, des questions et des noms, jusqu’à ce que Legan ne hurle, les canines découvertes :

-Silence!

L’agitation stoppa. Lydia se craqua le cou, glissant ses doigts là où deux petites cicatrices rosâtres marquaient sa peau. Elle avait senti la voix de Legan lui résonner jusque dans les os.

- Quelqu’un d’entre vous s’est attaqué directement à la meute de loups du Montana, poursuivit Legan, le ton encore plus fort, encore plus crispé. Et ils n’ont pas beaucoup apprécié la chose. En fait, ils pensent que l’on veut une guerre. Est-ce qu’ils ont raison? Est-ce que vous voulez entrer en guerre contre une bande de loups? Avec les hunters qui nous collent aux talons, aussi près qu’en pleine Pennsylvanie?

Nouveaux murmures, inquiets cette fois. Plusieurs restèrent immobiles, plantés comme des statues.

- Ces loups, clama Legan, savent où nous nous trouvons. Ils ont découvert l’emplacement du Nid.

Éclatement d’exclamations ahuries, indignées, effarées. Les vampires commençaient à bouger, à s’agiter, une soudaine crainte s’affaissant au-dessus d’eux. Legan se pencha sur la passerelle, les bras écartés empoignant durement la barre de fer. Il ouvrit la bouche, montra les dents alors qu’il susurrait presque la prochaine partie :

-Alors, il me faut un nom.
- Nolan l’a fait.

La foule de vampires rassemblée au bas de la passerelle se fendit en suivant le regard Legan. Au milieu de la vague, sur un banc de piano posé de façon hasardeuse, Lê Thu fixait le chef du Nid sans expression particulière. Au coeur du grondement de murmures résonnait le rire du concerné, ses canines reluisant sous la lumière tamisée du terminus.

- Évidemment que Nolan l’a fait, grimaça Lydia à l’adresse de Jean.
-C’est bien le seul qui peut supporter l’odeur de ces putains de cabots, renchérit ce dernier sur un ton venimeux.
- Ça le fait bander carrément, tu veux dire, le dégueulasse.

Le visage de Legan se contracta et il disparut de sa position, atterrissant une seconde plus tard face à Nolan qui ne fléchit pas de son sourire. Legan s’avança, ses crocs à quelques centimètres à peine de la figure de l’autre, la plus claire des menaces.

- C’est toi qui as fait ça, River? Est-ce que je dois vraiment être surpris?
- Tu peux répondre à ta question tout seul, ricana le vampire. J’dois dire que c’était l’un des repas les plus délicieux que j’ai pris depuis bien longtemps, ajouta-t-il en glissant sa langue sur ses dents avec satisfaction.
- Pourquoi as-tu fait un truc pareil?
- Parce que je m’emmerdais, sourit le blond, ses traits se tarissant alors lentement de toute expression. Parce que c’était pour arriver un jour ou l’autre de toute façon. Si ce n’était pas eux, ça allait être nous. J’ai vu la fille; j’en ai profité. Je me suis dit que ce serait bien de finir ce que les hunters ont commencé y’a vingt ans.
- Je pourrais te faire massacrer là et maintenant, rétorqua férocement Legan. Mais je préfère te bannir du Nid et regarder les loups te donner la chasse.

Le chef des vampires tourna la tête vers le canapé où était étendu Ethan et les lingettes pleines de sang et de salive de loup-garou, puis sourit à son tour, un sourire creusé et mauvais.

- Facilitons-leur la tâche, qu’en dis-tu?
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